4 questions à Géraud Guibert, Président de la Fabrique Ecologique

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Depuis quelques mois et encore plus avec les épisodes caniculaires qu’a connu la France cet été, la notion d’urgence climatique semble s’imposer. Qu’évoque-t-elle pour vous ?

Aujourd’hui, le monde fait face à deux menaces majeures : le climat et la biodiversité. Un consensus existe face à ces menaces et les études convergent pour définir un créneau de 10 à 15 ans au cours duquel nous pouvons encore éviter un scénario dramatique. En effet, si nous dépassons 2 degrés de réchauffement climatique d’ici 2050, nous ferons face à un risque d’emballement non maîtrisable, à savoir l’élévation du niveau de la mer ou encore l’accélération des tempêtes. Compte tenu de la nature structurelle des décisions à prendre, la décennie actuelle représente donc un moment charnière pour notre avenir. De plus, je suis persuadé que nous assistons à une course de vitesse entre l’éthique environnementale et les mesures coercitives. D’un côté, l’éthique environnementale joue sur les comportements individuels, qui représentent un tiers des gains qui peuvent être apportés à la transition. De l’autre, les mesures coercitives peuvent restreindre les comportements, elles sont donc peu populaires auprès de nos concitoyens. Or, si l’éthique environnementale ne se développe pas, les mesures coercitives devront être plus fortes.

Concrètement quelles sont les actions qui doivent être mises en œuvre pour nous garder sur une trajectoire raisonnable d’augmentation des températures ?

La majorité des éléments de la transition écologique sont liés à des initiatives et à des technologies décentralisées. De nombreux exemples illustrent ce constat. Le premier concerne la rénovation des logements, qui dépend avant tout des choix des ménages et non pas de la puissance publique. Le second exemple est relatif à la question des transports, qui, hormis les grandes infrastructures, et en particulier le fret ferroviaire, se règle avant tout à l’échelle locale. Selon moi, la logique d’expérimentation doit primer, portée par les collectivités territoriales. Le troisième exemple est celui des énergies décentralisées, qui cristallisent l’essentiel des progrès techniques. Les acteurs locaux de la vie économique peuvent implémenter ces énergies.

Les enjeux énergétiques ont donc une place centrale dans cette lutte contre le réchauffement climatique selon vous ?

Aujourd’hui, le monde entier se tourne vers les énergies renouvelables et la France se doit d’accompagner ce mouvement. Il est évident que nous devons avant tout nous intéresser aux énergies renouvelables qui remplacent des énergies carbonées. Mais nous ne pouvons pas nous soustraire du débat relatif au parc nucléaire. D’abord parce qu’il doit être renouvelé. Puis parce que les courbes des coûts se croisent. Enfin, car le renouvelable s’inscrit dans un mouvement mondial d’innovation, à l’inverse du nucléaire. C’est pourquoi il est logique qu’au moins une partie du parc nucléaire soit remplacé par des énergies renouvelables. La France dispose de très loin de la plus grande part d’énergie nucléaire dans son mix énergétique, près de 80 %, alors que tous les autres pays sont à moins de 50 %. Et, nous avons développé le chauffage électrique, qui pose de grands problèmes de pics de consommation en hiver.

En outre, le coût de des énergies renouvelables diminue rapidement. Si certaines restent chères, ceux de l’éolien et du solaire ont fortement diminué. De plus, l’intermittence de ces énergies ne pose pas de problème en deçà d’un certain seuil dans le mix énergétique total, qui fait encore débat. Il se situerait entre 20 % et 30 %. Enfin, il existe un lien entre les énergies renouvelables et le développement local. Le gaz renouvelable, en plus d’être une énergie renouvelable non variable, semble constituer l’énergie la plus à même de concilier ces deux impératifs.

Des freins semblent toutefois encore s’opposer au plein développement de ces énergies renouvelables…

Des freins limitent en effet le développement de ces initiatives décentralisées. Tout d’abord, nous devons prendre en compte l’acceptabilité, qui peut être confortée par l’implication des citoyens. Effectivement, si les projets sont discutés en amont et pris en co-construction avec les citoyens concernés, alors l’acceptabilité ne représente plus un obstacle aux projets. Par ailleurs, la déconnexion entre la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) et les SRADDET (schémas régionaux d’énergie) constitue une seconde limite à ces initiatives. Cela découle directement de notre centralisme jacobin, qui se traduit directement en flux financiers et humains. En effet, beaucoup de communautés de communes n’ont pas les moyens nécessaires pour développer leurs initiatives. Notre proposition consisterait à déléguer entièrement la compétence sur les énergies décentralisées aux régions ou aux intercommunalités, avec dans un premier temps des expérimentations pour celles qui le souhaiteraient. Puisque l’avenir réside dans les initiatives décentralisées, alors le modèle centralisateur français doit s’adapter.