L’ENTRETIEN COENOVE : Danyel Dubreuil, coordinateur de l’Initiative Rénovons

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Longtemps attendu et finalement présenté par N. Hulot le 26 avril, quel est votre regard, avec quelques semaines de recul, sur le plan national de rénovation énergétique des bâtiments ?

Retenons tout d’abord de nombreux points positifs qu’il convient de souligner.

Le premier est une vraie satisfaction sur le maintien de l’idée initiale d’avoir un plan centré sur l’éradication des passoires thermiques et la lutte contre la précarité énergétique.

De plus, ce plan promeut une action multidirectionnelle et souhaite travailler bien entendu sur l’offre et la demande mais également le financement ou encore la formation des professionnels et la communication.

La mise en place du fonds de garanties de 54 millions d’euros pour la rénovation énergétique est également à souligner et va permettre aux ménages modestes de boucler leur financement et de lancer les travaux.

La prolongation du programme Habiter Mieux de l’Anah va également largement contribuer à sécuriser le financement des travaux de rénovation, de même que la conservation des volumes de CEE ce qui va amener de nouveaux moyens et une enveloppe renforcée pour palier à la stagnation du budget du plan.

Enfin, et ce n’est pas anodin, relevons la volonté du gouvernement de rendre le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) opposable, tout en le fiabilisant en amont. Si cette opposabilité est rendue opérationnelle, cela aura des conséquences sur la décence des logements et pourrait mettre fin à la location des passoires en 2025.

Enfin le pilotage du plan ouvert aux agences et institutions de défenses de locataires mais également à l’Initiative Rénovons et non aux seules administrations nous semble être de nature à faire avancer les choses dans les meilleures conditions.

 

A vous écouter, ce plan semble idéal…n’y a-t-il pas tout de même quelques limites ?

Bien sûr que si ! Le point le plus prégnant tient dans le décalage des objectifs concrets avec l’ambition. En effet, malgré des objectifs ambitieux affichés de 150 000 passoires rénovés par an (dont 75 000 via l’Anah), il reste en deçà de l’effort nécessaire pour éradiquer les passoires énergétiques d’ici 2025. De plus, si nous sommes sereins sur l’atteinte des objectifs de l’Anah, la question se pose sur les autres 75 000 qui visent la même cible… Et quand bien même ces 150 000 rénovations par an seraient atteintes, ce sont 5 à 7 millions de passoires sur le parc à l’heure actuelle. L’éradication ne se fera donc pas à l’échelle du quinquennat

Autre point questionnant, le plan n’adresse pas la situation des locataires qui sont pourtant les principales victimes de la précarité énergétique en France. Sur ce point le plan aurait dû proposer des dispositifs ambitieux et adaptés.

 

Maintenant que le plan a été dévoilé, quelle est la suite ?

Il faut que les pièces du puzzle s’emboitent et un certain nombre de groupes de travail sont en train de se constituer.

Un est relatif à la fiabilisation du DPE qui est doit être une référence fiable, stable, non contestable pour le bien collectif. C’est la clé de voute de la rénovation énergétique que de connaître l’état initial du logement. Cela aura un impact sur la décence des logements où il reste attendu qu’un critère de performance énergétique minimale soit inscrit. Certains pourraient considérer que ce sont des signaux symboliques mais ils seront très importants pour les propriétaires bailleurs.

Une fois le DPE fiabilisé, des dispositifs de type bonus/malus pourraient également s’appliquer et plus largement entrainer des dispositifs fiscaux incitatifs.

Un autre groupe travaille sur la refonte de l’écoPTZ afin de permettre à ce dispositif d’enfin connaître un déploiement massif.

Enfin, la mise en place très attendu du service public de la performance énergétique de l’habitat devrait permettre de généraliser, sur l’ensemble du territoire, des points de conseil neutre sur le type de travaux à engager et les financements à disposition.

 

Même si elle est sur le devant de la scène depuis plusieurs mois, la rénovation énergétique n’est pas un sujet nouveau. Pour véritablement massifier ces travaux, le temps n’est-il pas venu d’aller vers des obligations ?

Nous restons convaincus qu’il y a encore une marge de manœuvre pour travailler sur l’incitatif et le réglementaire. Ensuite, il faudra voir à partir de quel moment et sur quelles bases il serait nécessaire d’appliquer des règles plus contraignantes. De plus en plus de signaux vont pousser les propriétaires à faire de la rénovation énergétique : des campagnes de communication, une prise de conscience sur le fait que la valeur de leur bien se dégrade ou encore l’impact sur la qualité de vie des occupants. La campagne de communication lancée par l’Ademe à la rentrée mais également les messages récurrents délivrés par les grands opérateurs tels que SOLIHA (1er opérateur d’Habiter Mieux) contribuent à cette prise de conscience.

La Loi de Transition Energétique fixe 2025 comme date limite à l’éradication des passoires énergétiques. Pour voir si nous sommes dans la bonne trajectoire, il convient dans un premier temps d’évaluer le nombre de passoires énergétiques rénovées années après années pour voir si les interactions par la pédagogie suffisent. Si à terme elles ne portent pas leurs fruits, il conviendra alors de mettre en place des malus comme dans le secteur automobile.

 

Le projet de Loi ELAN actuellement en discussion au Parlement sera vraisemblablement la grande Loi Logement du quinquennat. Qu’en attendre sur le volet rénovation ?

Initialement, ce projet de Loi n’intégrait que la dimension du logement social, le logement privé relevant du PREB. Toutefois, plusieurs Parlementaires ont porté des amendements montrant leur volonté d’introduire des articles relatifs traitant de la précarité énergétique et de l’éradication des passoires énergétiques. Il ne faut toutefois pas attendre de cette Loi qu’elle soit un véritable levier d’accélération. Nous espérons toutefois que l’article relatif au carnet numérique du logement sera maintenu. C’est une disposition d’intérêt pour suivre l’évolution du nombre de logements rénovés ainsi que leur performance.

 

Est-ce que finalement, et notamment pour la rénovation énergétique, on n’a pas tendance à trop attendre de l’Etat ?

En effet, il ne faut pas trop s’appuyer sur l’Etat mais bien aller vers une collaboration entre les acteurs. Le suivi des propriétaires qui doivent prendre conscience de la valeur de leur patrimoine ne peut être, par exemple, réalisé par l’Etat. Pourtant cette prise de conscience des propriétaires est essentielle, dans la mesure où elle va améliorer le confort, la qualité de l’air intérieur et donc la santé des occupants ! Les acteurs privés ont cette expertise et sont à même de faire face à l’attente suscitée ou en voie de l’être par les propriétaires. A L’Etat de mettre en place des moyens et des dispositifs de valeurs ajoutées au travers de ses documents programmatiques, aux collectivités et aux acteurs privés de tirer les effets bénéfiques d’accompagnement de ce mouvement.

 

Quels sont, pour l’Initiative Rénovons, les grands chantiers des mois à venir ?

Il y aura d’une part le suivi des groupes de travail du PREB dont celui relatif à la fiabilisation du DPE mais également la préparation du projet de loi de finances 2019 où sont attendus les arbitrages de la transformation du CITE en prime qui devrait permettre aux ménages en précarité de s’en emparer.

De plus, nous travaillons à la restauration des allocations logement (APL accession) pour que les ménages modestes puissent engager des travaux de rénovation et accéder aux éco-prêts. C’est une mesure qui représente un coût marginal pour l’Etat d’un point de vue financier mais qui est primordial pour le déclenchement des travaux.

Le déploiement du service public de la performance énergétique et de l’habitat aura également toute notre attention et nous n’excluons pas, à la sortie de la Loi ELAN et en fonction de son contenu, d’organiser un point partenaire et média.

 

Finalement, beaucoup de signaux vous donnent raison d’être optimiste ?

Sur le long terme, oui ! Le plan de rénovation est un bon point de départ qu’il faut coupler avec d’autres leviers, notamment les programmes de repérage et d’accompagnement qui doivent être pérennisés et augmentés en volume ; ce sont des conditions préalables pour le passage à l’acte.

Nous nous voulons confiants car la prise de conscience de l’impact très positif de la rénovation énergétique sur les volets sociaux, environnementaux et sanitaires dans le logement est désormais une réalité. Il reste encore à franchir quelques caps pour l’Etat afin que les moyens soient en cohérence avec les ambitions mais la dynamique semble lancée. Il en est de même du côté de l’Initiative Rénovons où de plus en plus de membres, dont Coénove, nous rejoignent montrant que notre analyse est cohérente et permettant de renforcer notre positionnement auprès des pouvoirs publics.