L’ENTRETIEN COENOVE : Rodrigue Leclech, responsable du pôle Construction, Pouget Consultants

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Alors que le projet de Loi ELAN visant à construire plus, mieux et moins cher sera publié dans les prochaines semaines, comment appréhendez-vous l’état du secteur de la construction ces derniers mois ?

Sur le secteur résidentiel au sein duquel nous accompagnons, sur Paris et Nantes, des promoteurs nationaux, nous constatons un volume important d’affaires notamment en région parisienne. Il y a toutefois une certaine nervosité sur les projets se traduisant par des pics de production, des ralentissements mais aussi des projets bloqués. Le nombre d’acteurs s’accroit ce qui crée une forte concurrence tant sur les projets que sur les ressources humaines, entrainant un turn-over important chez nos clients.

Concernant la loi ELAN, nous espérons, chez Pouget Consultants, qu’elle influe positivement sur les objectifs cités dont le mieux construire, tout en maintenant les ambitions environnementales nécessaires aux enjeux de transition énergétique, économique, écologique que doit porter le secteur du bâtiment. Rappelons qu’il pèse 44% des consommations française d’énergie et émet 23% des émissions carbone.

 

La RT2012 a grandement contribué à faire évoluer les performances des bâtiments, de même que les réglementations thermiques précédentes qui nous avaient déjà mis sur cette voie. Tout n’est cependant pas si idéal et des écueils ont pu être constatés dans ces bâtiments. Quels enseignements en tirer pour la prochaine réglementation environnementale qui devrait sortir en 2020 ?

La RT2012 a permis de diviser par plus de deux les consommations en énergie primaire des bâtiments neufs. La réponse technique de la profession a été un recours important du chauffage par vecteur eau, ce qui a nécessité une montée en compétence rapide des entreprises de CVC pour réaliser ces installations. La qualité n’a pas été toujours au rendez-vous. Malgré tout, et heureusement, la RT2012 avait été anticipée par le label BBC Effinergie en 2008 qui, soutenu par la loi Sellier, a permis de négocier ce virage important.

Aujourd’hui encore, notre métier est à un tournant important. La montée en compétence des acteurs, et notamment de l’ingénierie, sur le sujet carbone est essentielle. En cela l’expérimentation E+C- est un excellent moyen en donnant un temps d’apprentissage à tous ce qui doit permettre d’anticiper la future réglementation dite environnementale, à l’instar du BBC.

La future réglementation doit s’appuyer sur ce qui a été mis en place pendant cette dernière décennie, elle doit accompagner la profession tout en étant ambitieuse dans une échelle de temps avec des étapes claires définies en amont.

 

Cet été mais également en septembre, la problématique du confort d’été des bâtiments s’est plus que jamais posée. Comment répondre à cette nécessaire adaptation au changement climatique ?

Le confort, notamment d’été, est en effet le grand absent de la RT2012. Concernant le label expérimental E+C-, le sujet n’est pas non plus véritablement embarqué mais laissons la réglementation avancer par étape pour qu’elle se construise de façon intelligente. Déjà l’indicateur DIES (Durée d’Inconfort en Eté Statistique) va être remis à l’ordre du jour des études au sein des groupes de travail de la DHUP en vue normalement d’être intégré dans la future RE.

Sans attendre de la RE, j’estime que cette problématique doit être intégrée par l’ensemble des acteurs dès aujourd’hui pour éviter de construire des bâtiments qui auront à terme recours à des climatiseurs. Et quand je parle de l’ensemble des acteurs, j’inclue tant les urbanistes qui dessinent nos villes, et nos quartiers que la maitrise d’œuvre, les ingénieurs, les architectes… qui doivent remettre au cœur de la construction la qualité de vie des usagers, aujourd’hui pour demain !

 

La future réglementation sera environnementale, prenant en compte l’impact carbone des bâtiments, dans leur construction que dans leur exploitation. Comment voyez-vous le placement des solutions à terme ?

Plus les énergies seront rares, plus elles seront chères, plus les charges liées notamment au chauffage et à la production d’ECS des logements risquent de peser lourdement sur les ménages si nous n’agissons pas sur les consommations énergétiques.

Nous pensons qu’un bâtiment dont la performance sera durable doit d’abord être un bâtiment avec de faibles besoins. Il faut donc en premier lieu améliorer l’enveloppe des bâtiments. Les systèmes énergétiques sont ensuite choisis en fonction des contraintes techniques, de la présence de telle ou telle énergie sur la parcelle, de choix commerciaux ou de leur contenu carbone.

Dans de tels bâtiments, le coût des énergies sera lié à la disponibilité de l’énergie. Le réseau gaz est un formidable stock d’énergie disponible rapidement chez l’utilisateur. Ce réseau existe, il faut donc l’exploiter mais il est évident qu’il doit évoluer rapidement pour répondre aux enjeux de baisse des émissions carbone. Cela passera par la production de biométhane, avec une réflexion de boucle locale peut-être, par le stockage d’hydrogène produit avec un potentiel surplus d’énergie photovoltaïque ou éolien (ce qui n’est pas encore le cas). Et plus largement d’autres solutions de verdissement du réseau gaz. Pour cela nous poussons pour intégrer des indicateurs dans la future RE permettant de valoriser l’injection d’énergies renouvelables à partir du réseau. Il faut que la RE dynamise cette évolution. La RE2020 devra passer par la sobriété et la valorisation des énergies renouvelables, c’est la trajectoire obligée pour la cible 2050 !