

3 questions à Nicolas Dufrêne, Directeur de l’Institut Rousseau
Publié leA l’occasion de la publication de la tribune Coénove (cf. ci-dessous) « Du gaz russe au gaz vert pour un bâtiment décarboné », Nicolas Dufrêne, Directeur de l’Institut Rousseau et, par ailleurs, haut-fonctionnaire et économiste, a salué les positions de Coénove. Convaincu de la nécessité d’augmenter la production de biogaz sur notre territoire, il a accepté de répondre à nos questions.
Pourriez-vous nous présenter l’Institut Rousseau, son fondement et ses travaux ?
L’Institut Rousseau est un jeune institut créé en mars 2021 dont les missions sont de proposer des solutions pour la reconstruction écologique, sociale et républicaine de la France. Plus de 1000 membres chercheurs, haut-fonctionnaires, ingénieurs, juristes ou simples citoyens engagés, avec des compétences diverses et complémentaires, sont mobilisés au service des réflexions de l’institut.
De nombreux travaux ont été publiés en matière économique, institutionnelle et sociale. Parmi nos études emblématiques, je souhaiterais en évoquer 3 :
- notre note intitulée « comment financer une politique ambitieuse de reconstruction écologique » qui propose des pistes de financement traditionnelles mais aussi moins orthodoxes comme recourir plus largement à l’arme monétaire, prévoir des passerelles entre la BCE et les banques publiques d’investissement, …
- notre étude sur la garantie à l’emploi vert et social pour les chômeurs de longue durée afin de les diriger vers les métiers de la transition écologique, une étude qui avait reçu le soutien de nombreux élus locaux enfin, nous avons formulé plusieurs propositions de réforme des institutions, notamment une proposition sur le droit d’amendement citoyen qui permettrait à ces derniers d’influer directement sur le processus législatif.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre site : Institut Rousseau – Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine (institut-rousseau.fr)
Vous avez publié tout récemment un rapport intitulé « 2% pour 2° » qui analyse les coûts des investissements publics et privés nécessaires pour atteindre la neutralité carbone de la France en 2050, quels en sont les grands enseignements ?
De nombreux scénarios prospectifs énergétiques ont été publiés récemment (RTE, ADEME, NEGAWATT, …) et il existe aussi des stratégies nationales (SNBC et PPE) mais aucune de ces études ne fait état de manière complète des investissements nécessaires pour permettre leur déploiement. Au mieux, il existe des éléments de chiffrage sur des problématiques données mais pas de vision détaillée et complète. On a des réponses sur le « comment y arriver » mais pas sur le « combien ça coûte» ?
Notre objectif, à travers ce rapport, était de recenser l’ensemble des investissements publics et privés qui seraient nécessaires pour atteindre la neutralité carbone en 2050 sur la base d’une moyenne de ces scénarios en privilégiant les options favorables à plus de renouvelables.
Les principaux enseignements tiennent en 3 chiffres clés. Nous estimons les investissements jusqu’en 2050 à près de 182 milliards d’euros par an. Sur cette somme, environ 125 milliards sont déjà disponibles et devraient simplement être convertis vers la transition écologique. A titre d’exemple, les dépenses allouées aux achats des véhicules thermiques sont désormais à flécher vers les véhicules électriques ou biogaz.
Il reste donc 57 milliards d’euros à financer en plus de ce qui est déjà prévu dans le scénario tendanciel, c’est le « surcoût de la transition écologique » et il représente à peu près 2% du PIB (d’où le titre de notre rapport : 2% d’investissement en plus pour faire notre juste part dans l’objectif de respect des 2 degrés).
Enfin, sur ces 57 milliards, 36 milliards d’euros doivent être pris en charge par l’Etat qui est la seule institution capable d’enclencher les projets d’envergure qui ont du mal à se faire telle que la rénovation des logements, en particulier lorsqu’il s’agit de ménages modestes. Cela passe aussi par l’accompagnement des entreprises dans la décarbonation de leur appareil de production ou par des aides ciblées sur la reconversion des transports individuels comme collectifs.
Pour mettre en œuvre ces investissements, nous estimons nécessaire de mettre en place une loi pluriannuelle de financement de la transition écologique pour ancrer des budgets sur des durées longues et donner de la visibilité aux acteurs.
Quelle est dans ce rapport, et plus globalement, votre vision sur les biogaz et leur place dans la transition énergétique ?
L’Institut Rousseau est très favorable au développement des gaz renouvelables, nous estimons qu’ils seront essentiels pour répondre aux enjeux de transition écologique mais aussi d’indépendance énergétique de la France. Les gaz renouvelables seront indispensables à la décarbonation des secteurs plus difficilement électrifiables.
Ils répondent également au besoin de recyclage des déchets et fournissent des compléments de revenus fort utiles aux exploitants agricoles.
La décarbonation des bâtiments pourra en partie se faire par la substitution des combustibles fossiles par des vecteurs décarbonés, comme le biométhane et la biomasse, et ce, sans investissement supplémentaire.
Dans notre rapport, nous montrons que les investissements pour développer la filière des gaz renouvelables sont insuffisants, nous estimons que 4.6 milliards supplémentaires seraient nécessaires chaque année pour développer les investissements et adapter les réseaux de façon à contribuer de façon satisfaisante à l’atteinte de neutralité carbone à 2050. 50% de cette somme pourrait être apportée par l’Etat afin de soutenir et étendre les tarifs de rachat aux filières existantes et aux nouvelles (pyrogazeification et power to méthane).