3 questions à Patrick Carré, Président du SYNASAV

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De nombreuses entreprises d’entretien et de maintenance – représentées au sein du SYNASAV – sont restées de gré ou de force très actives pendant la crise du COVID19. Entre dépannages et interventions d’urgence, vous avez été apparentés à la « seconde ligne » nécessaire à la continuité des activités de notre pays. Comment les entreprises ont-elles vécu cette période si particulière ?

Depuis le premier jour du confinement social déclenché le 17 mars, et malgré la proclamation de l’État d’urgence le 24 mars, les entreprises du SYNASAV ont conservé un service d’astreinte pour pouvoir assurer les dépannages et les urgences de tous les systèmes assurant chauffage, ventilation, production d’eau chaude sanitaire et climatisation. Dès le début de la crise, pour protéger les techniciens en intervention et faute d’informations précises de la part des pouvoirs publics, nous avons donné la consigne de limiter l’activité aux urgences et aux dépannages. Nous avons rédigé et diffusé un premier protocole d’intervention en ce sens dès le 20 mars. Nous l’avons fait évoluer à mesure que les pouvoirs publics répondaient à nos interrogations.

Sont restés en activité entre 20 et 30 % des effectifs. Les autres salariés sont passés en chômage partiel. L’activité est passée de 100 000 interventions quotidiennes à 30 000 par jour. Cette baisse massive s’explique pour 2 raisons principales : dès le premier jour, désistement massif des clients dont les RDV étaient déjà pris pour la maintenance annuelle et qui ne souhaitaient plus l’intervention du technicien. Seconde raison : la fermeture des écoles bloquant les salariés à domicile.

Il faut également savoir, et je ne peux que saluer l’équipe de nos permanents à ce sujet, que le syndicat a poursuivi son activité d’appui aux adhérents sans interruption dès le début de la crise. En effet, depuis 2009 et suite à l’épidémie de H1N1, nous avons progressivement fait évoluer tous nos outils et nos procédures pour pouvoir fonctionner à 100 % en télétravail… au cas où… Le résultat est là, 2h après la fermeture de nos bureaux, tout nos services étaient opérationnels et nos permanents pleinement mobilisés.

 

L’approvisionnement en masques et autres EPI est résolu, les protocoles sanitaires d’intervention sont désormais bien établis, quels sont maintenant les grands enjeux qui se dessinent pour la filière, dans cette crise qui n’est pas encore tout à fait derrière nous ?

Pour assurer la reprise dès le 11 mai dans des conditions de sécurité satisfaisantes pour les techniciens comme pour les clients, le syndicat a organisé dès début avril une commande groupée de masques pour l’ensemble de ses adhérents (700 000 FFP2 non médicaux). Cette reprise d’activité se situe aujourd’hui à environ 90 à 95%. Les 5 à 10% manquant concernent à la fois les salariés dits « à risques » (sous-entendu fragiles) ou cohabitant avec une personne « à risques » qui ne peuvent pas reprendre le travail et les salariés bloqués par des problèmes de garde d’enfants.

Les entreprises subissent actuellement environ 2 mois de retard de visites d’entretien. En général, en concertation avec les salariés, les entreprises ont élargi leurs plages horaires d’intervention (voir travailler le samedi et travailler tout juillet) pour tenter de combler le retard avant la fin du second semestre.

Avec le retour de la confiance des clients (suite au travail de sensibilisation avec la mise en place du protocole et du « Guide SYNASAV Conseil au client »), nous manquons de temps et de moyens humains pour combler le retard. À cela il faut ajouter la baisse de rentabilité liée aux surcoûts d’intervention (achat des EPI , information des clients en amont de l’intervention, temps d’application du protocole, désinfection du matériel et des véhicules, traitement des déchets etc.).

Deux enjeux majeurs nous mobilisent actuellement au sein de la filière. Le premier c’est de tout mettre en œuvre pour aider les entreprises à retrouver un chiffre d’affaires en fin d’année qui soit le plus proche de celui de l’année dernière, tout en veillant sur les plus fragiles pour les aider à franchir le gué. Le second enjeu c’est de sensibiliser les clients sur le fait que de s’affranchir de maintenir son installation cette année serait un très mauvais pari sur l’avenir, surtout en cas de nouvelle épidémie en début d’hiver 2020 ou en fin d’hiver 2021. Pour ceux qui l’ont vécu, être confiné chez soi sans chauffage et/ou eau chaude, cela devient très vite invivable.

 

En prenant un peu de hauteur, est-il d’ores et déjà possible de tirer quelques grands enseignements des semaines qui viennent de passer ? Cela va-t-il induire des changements durables au sein des entreprises d’entretien et de maintenance ?

Le SYNASAV travaille actuellement à préparer l’après Covid-19. Sans trahir de secret, avec nos élections prévues pour septembre prochain, je puis vous affirmer que dans le plan d’actions de la nouvelle équipe à venir on retrouvera en bonne place le retour d’expérience suite à cette pandémie mondiale. On étudiera tous les points clés, la protection des salariés, des clients, les circuits d’approvisionnent en pièces détachées, la communication, les circuits de l’information (vers les salariés, vers les clients) la place du télétravail etc.

Ce qui est certain, c’est qu’il faut mener une réflexion approfondie pour encore mieux préparer les entreprises de maintenance à ce type de coup dur en adaptant le modèle économique, l’organisation interne, la gestion de la communication etc.

Nous savons que nous entrons dans une période compliquée. Quand on voit que le confinement sur huit semaines en France pour lutter contre l’épidémie va se traduire par 120 milliards d’euros de perdus pour l’activité soit 5 points de produit intérieur brut annuel en moins (étude OFCE). Que les ménages pourraient perdre de l’ordre de 11 milliards d’euros de revenu disponible. Une chute d’activité de ce niveau c’est du jamais vu sauf à part peut-être en temps de guerre. Immanquablement les entreprises de maintenance vont être impactées, en tous cas sur la partie travaux (installation / remplacement d’appareil).

En revanche, par expérience, en situation économique difficile, bien souvent nos clients ont tendance à privilégier la maintenance de leurs systèmes pour les faire durer et à reporter les travaux plus lourds à des jours meilleurs. On devrait donc assister à des phénomènes de report ou d’annulation des investissements liés à l’évidente crise économique qui est déjà là et un renforcement des activités de maintenance.

Le point positif c’est que les entreprises de maintenance demeurent très « recruteuses » et manquent de bras. C’est d’autant plus vrai qu’avec le changement de type de gaz sur le Nord-est de la France les besoins se comptent en milliers de postes de techniciens à pourvoir. Les éventuelles victimes de plans sociaux seront donc les bienvenues pour envisager avec nous la faisabilité de leur reconversion comme technicien de maintenance.

 

Patrick CARRÉ
Président du SYNASAV