4 questions à Jimmy Colomies, Co-fondateur et Président de TRYON

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La méthanisation est généralement associée aux grands espaces agricoles. Chez Tryon, vous venez dépasser ce cliché. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Après 4 ans de R&D, Tryon propose en effet une solution de méthanisation à petite échelle qui prend la forme de modules conteneurs. Il s’agit de conteneurs maritimes de vingt pieds récupérés d’excédents d’imports chinois. Nous proposons ainsi une solution très modulable susceptible d’occuper des terrains peu désirés en zones péri-urbaines sur de faibles surfaces. Cela donne une grande souplesse pour nous adapter aux besoins et nous mobilisons très peu de génie civil. Les autorisations sont plus simples à obtenir et nos installations sont évolutives. Nous réunissons ainsi plusieurs atouts pour lever les obstacles évoqués, que ce soit en matière de risques, de nuisances industrielles ou encore d’acceptation par la population. De plus, en nous implantant localement, nous réduisons le transport et donc les coûts de gestion des déchets et permettons également de décentraliser la production du biogaz en visant des petits volumes plus proches des lieux de consommation. De même, nous apportons un service clés en main aux collectivités qui ne disposent pas de cette expertise de méthanisation. L’ambition est d’aboutir à un fonctionnement circulaire local, maillant l’ensemble du territoire.

Finalement, on pourrait parler de micro-méthanisation… D’où proviennent les intrants permettant au final de produire ce gaz renouvelable ?

Le déchet organique qui nous intéresse est le biodéchet c’est à dire les restes alimentaires. Ces déchets représentent un tiers de nos ordures ménagères, soit environ 20 millions de tonnes par an en France, près de dix fois plus en Europe et cent fois plus dans le monde. Ils sont composés à 90 % d’eau et restent pourtant massivement collectés avec le reste des ordures ménagères pour être détruits, par enfouissement ou incinération. Le Grenelle de l’environnement impose depuis 2016 à tous les professionnels qui produisent plus de 10 tonnes de biodéchets par an de procéder à un tri à la source en vue d’une valorisation organique. La loi de transition énergétique généralise cette obligation de tri et de valorisation jusqu’aux particuliers à l’horizon 2023. Les professionnels devront agir directement. S’agissant des particuliers, la responsabilité incombe aux pouvoirs publics de fournir les solutions adéquates aux administrés.

Et concrètement, quel est le résultat sur le terrain ?

En Île-de-France, une seule unité est actuellement agréée pour traiter les biodéchets à Etampes dans le sud de Paris. Car il faut savoir que la méthanisation de biodéchets obéit à une réglementation différente de celle de la méthanisation agricole et qu’un agrément est nécessaire. Tous les déchets doivent alors passer par des sites de transfert pour être acheminés dans un périmètre compris entre 100 et 300 km. Nous avons remporté le marché de la gestion et de la valorisation des biodéchets des 116 collèges du département des Yvelines. Nous serons ainsi la première unité agréée dans ce département. Nous comptons partir de cette base pour établir un maillage et réduire notre sphère de déplacement à une dizaine de kilomètres. L’ambition est d’ouvrir cette unité à tous les acteurs des activités économiques locales et des particuliers pour en faire une solution véritablement territoriale. Au terme d’une double boucle circulaire, nous allons rapporter la matière organique sous forme de fertilisant aux agriculteurs qui fournissent eux-mêmes les cantines des collèges. Le biogaz produit sera dans le même temps injecté dans le réseau pour être transformé en biocarburant destiné entre autre à la flotte de véhicules logistiques.

Bientôt la phase de plein développement ?

Plusieurs freins nous ralentissent encore. Nous sommes dans un cadre réglementaire qui n’est pas adapté aux innovations que nous pouvons développer à petite échelle. Nous devons composer avec les mêmes contraintes que les grandes unités, et cela alourdit considérablement notre mise en place. La valorisation de la matière organique est, elle, enserrée dans des contraintes qui interdisent à notre matière organique considérée comme un déchet d’être mise sur le marché, alors qu’elle représente une vraie alternative naturelle aux engrais chimiques importés.. Enfin, nous demandons plus de flexibilité en ce qui concerne l’injection dans le réseau. Celle-ci est conçue pour des gros volumes. Nous souhaiterions obtenir des aménagements et des tarifs adaptés à la taille de notre système décentralisé. Les opportunités sont prometteuses. L’accompagnement des collectivités en est une. Les collectivités vont être en mesure de nous aider sur le volet foncier et d’aménagement qui est certainement le principal enjeu d’implantation. Nous avons enfin besoin de financements pour soutenir ces innovations, qui requièrent toujours un petit coup de pouce initial.

L’appel est lancé… ! Merci à Jimmy Colomies