
DPE : quels risques liés à l’évolution du coefficient Ep/Ef ?
Publié leNote d’analyse de Coénove concernant les impacts d’une modification artificielle du coefficient Ep/Ef (indicateur de référence sur la consommation d’énergie primaire des logements) dans le cadre d’une révision du DPE.
Résumé des principaux arguments
- Une modification du coefficient Ep/Ef (PEF) de l’électricité dans le DPE serait une très mauvaise mesure pour de nombreuses raisons :
Le DPE serait décorrélé des flux physiques réels avec un avantage indu qui serait donné à des systèmes énergétiques peu performants.
- Un déphasage serait introduit avec la logique européenne (DPEB) qui raisonne en énergie primaire et avec la priorité fondée sur le principe « energy efficiency first ».
- Le calcul du PEF sur le mix énergétique de la France en 2024 devrait conduire, pour le DPE des bâtiments existant, à une hausse au-delà de la valeur actuelle de 2,3, plutôt qu’à une baisse. Le coefficient de 2,3 est donc déjà « avantageux » pour le vecteur électrique, dans la situation actuelle.
- 700 000 à 1,4 millions de logements seraient artificiellement sortis du statut de « passoires énergétiques », sans aucune amélioration de la performance réelle ni de la facture énergétique entraînant un risque d’aggravation de la précarité énergétique des ménages.
- L’électricité est déjà favorisée dans les étiquettes DPE des logements puisque, depuis 2021, les classes (A à F) sont désormais définies par une double échelle en consommation (kWh d’énergie primaire) et en émission de CO2, avec des facteurs d’émission de CO2 attribués à l’électricité fondés sur des moyennes passées qui ne représentent pas l’effet de l’électrification des usages.
- Un avantage préjudiciable serait donné à l’effet Joule peu performant, aux équipements de climatisation (majoritairement asiatiques) avec un risque d’électrification à outrance du secteur du bâtiment (fortement thermosensible) et d’aggravation de la « pointe électrique » hivernale avec des conséquences risquées sur la sécurité d’approvisionnement du pays et les finances publiques
- Une électrification à outrance du secteur des bâtiments conduirait, contrairement à l’effet escompté, à une hausse contre-productive des émissions de CO2 à l’échelle européenne en raison des surconsommations électriques couvertes par des moyens de pointe fortement carbonés, souvent situés dans les pays limitrophes comme l’Allemagne.
- Le manque de cohérence et le yo-yo permanent sur les aides, les normes et les indicateurs créent une complexité et une confusion qui poussent propriétaires et locataires à l’attentisme. Cela brouille les messages et se traduit, en cascade, par l’atonie de l’ensemble des marchés liés au secteur du bâtiment, avec des conséquences dramatiques sur le plan économique, social et environnemental.
Les conséquences d’une évolution du PEF devraient a minima faire l’objet d’un large débat politique, d’une consultation de l’ensemble de la filière et d’une simulation précise par RTE des éventuelles conséquences sur les scénarios prospectifs de rénovation des bâtiments, d’électrification des usages et de pointe électrique hivernale à gérer en cas d’aléas climatiques, technologiques ou géopolitiques.
La modification du coefficient Ep/Ef et la sortie artificielle, sans aucun travaux réalisés, de plusieurs centaines de milliers de logement du statut de « passoire thermique » seront considérées comme un «tripatouillage politique» de l’outil de mesure pour masquer l’incapacité à rénover en profondeur les bâtiments selon le rythme fixé. Ce serait une décision politiquement extrêmement risquée, avec des conséquences multiples et mal maîtrisées.