Fiabilisation du DPE en vue de son opposabilité : contribution de Coenove

Publié le
Nos travaux | Nos contributions | Fiabilisation du DPE en vue de son opposabilité : contribution de Coenove

Souvent décrié pour son manque de fiabilité, le DPE fait l’objet d’un travail conséquent, mais nécessaire, de refonte. Ce travail est d’autant plus nécessaire que la Loi ELAN vient rendre opposable ce diagnostic. La DHUP et le Plan Bâtiment Durable, à la manoeuvre sur ces travaux, ont donné l’opportunité aux acteurs, suite à un wébinaire le 16 octobre, de transmettre une nouvelle contribution dans le cadre de la redéfinition de l’échelle des classes du DPE.

Coénove a souhaité répondre positivement à cette opportunité et formule ainsi les commentaires suivants :

Au-delà de cet aspect juridique, le travail de révision du DPE a des conséquences directes sur l’appréciation du niveau de consommation des logements observés. En effet, 2 modifications, voire 3, viennent se superposer :

  1. L’élargissement du périmètre sur 5 usages (au lieu de 3),
  2. Un nouveau moteur de calcul tenant compte entre autres choses de la modification des fichiers météo,
  3. Et, possiblement, l’application d’un PEF à 2,3 pour l’électricité, au lieu de 2,58.

Avant toute chose, il est donc nécessaire d’apprécier les conséquences de chacune de ces modifications, ce qui revient concrètement à :

  • Toutes choses égales par ailleurs, prendre en compte les 2 usages supplémentaires dans le recalage des seuils des différentes classes énergétiques
  • A l’instar de ce qui a été fait par le CGDD (rapport 09/2020 sur le parc de logements français), re-analyser le parc existant avec le nouveau moteur de calcul, au seul périmètre des 3 usages, pour établir la nouvelle représentation du parc par rapport aux résultats présentés dans la note de la CGDD de septembre 2020, afin d’en apprécier l’impact
  • Si le PEF de l’électricité venait à être pris à 2.3, apprécier l’impact sur la répartition des logements chauffés à l’électricité, notamment sur le parc des passoires thermiques.

Nos éléments d’analyse & propositions

1. Étiquette énergie

  • Le DPE est entré en vigueur depuis maintenant plus de 13 ans. A l’instar de l’étiquette énergétique dans l’électroménager (produits blancs et bruns), il fait désormais partie du paysage immobilier. Tous les Français, propriétaires ou locataires, ont vu ou eu entre leurs mains a minima 1 fois un Diagnostic de Performance Énergétique. On peut raisonnablement affirmer que le DPE est connu et assimilé par le plus grand nombre. De fait, sa fiabilisation ne peut s’entendre sans une continuité dans sa présentation et l’appréciation de ses différents critères, sans laquelle la confiance et l’adhésion des consommateurs ne seront pas acquises alors même qu’ils doivent être les premiers bénéficiaires de cet outil.
  • Le DPE en vigueur à ce jour comporte déjà un affichage en énergie primaire et en énergie finale, ainsi qu’une information sur le montant de la facture. Il n’est donc pas nécessaire, ni utile de modifier l’étiquette existante. Dans le même ordre d’esprit, nous ne pensons pas nécessaire d’introduire une modulation selon la zone climatique ou l’altitude qui rendrait inintelligible l’étiquette énergie.
  • La facture ne doit pas constituer, comme certains le prônent, le critère justifiant un affichage de l’étiquette en énergie finale, au prétexte que c’est le seul indicateur que le client connait et comprend … bien au contraire. C’est bel et bien l’affichage des consommations en énergie primaire qui permet une meilleure comparaison des DPE, puisque des logements disposant d’une même étiquette en énergie primaire auront des factures peu ou prou comparables, ce qui n’est pas du tout le cas en énergie finale. Ce constat n’est pas conjoncturel et peut d’ailleurs être vérifié sur les 20 dernières années, voire plus.

2. Passoires thermiques

  • Un logement est aujourd’hui défini comme une passoire thermique si sa consommation conventionnelle en énergie primaire est supérieure à 330 kWhEP/m2.an. En l’absence de tout geste de rénovation qui aurait permis un changement de classe énergétique, un logement considéré comme une passoire thermique (en classe F ou G) avant la révision du DPE doit absolument le rester après la révision du DPE. Le contraire serait obligatoirement perçu comme du « bidouillage » servant uniquement les objectifs ou les intérêts de certains acteurs, et provoquerait la défiance des consommateurs.
  • Ce seuil de 330kWhEP/m2.an conduit à des factures de chauffage et de production d’ECS (abonnement compris mais hors cuisson et consommation spécifique) supérieures à 2570€ en chauffage électrique et 1900€ en gaz naturel. Changer le seuil d’entrée dans la catégorie des passoires thermiques à 261kWhEF/m2.an[1], conduirait à des factures supérieures à 4500€ en chauffage électrique et 1550€ en gaz naturel. Comment peut-on alors mettre au même niveau 2 logements dont les factures de chauffage et d’eau chaude sanitaire vont du simple au triple ? Le premier logement conduit de plus à maintenir, voire à augmenter la précarité énergétique de ses occupants, contrairement au second.
  • Au-delà des considérations sur la révision du DPE, l’identification et la catégorisation des passoires thermiques sont essentielles, car les logements concernés sont et seront visés par des obligations de rénovation. Sortir la quasi-totalité des logements électriques de cette catégorie, repoussera dans le temps, voire réduira considérablement leur rénovation thermique, alors qu’ils sont le facteur principal de précarité, compte tenu du montant de la facture. De plus, ils constituent un « fardeau » pour le système électrique et un risque pour la sécurité d’approvisionnement en cas d’indisponibilités de certaines unités de production à l‘instar de l’hiver à venir et des suivants. Rappelons qu’en plein hiver, les logements électriques des classes F et G représentent un appel de puissance de près de 15 GW, soit plus de 10 tranches nucléaires.

Considérant que les logements du haut de la classe E, quelle que soit leur énergie de chauffage, nécessiteraient également d’être la cible privilégiée des travaux de rénovation à engager, il nous semblerait cohérent de rajouter au seuil de 331kWhEP/m2.an, un indicateur supplémentaire « garde-fou » en énergie finale. La valeur de cet indicateur peut être de 260 kWhEF/m2.an tel qu’envisagé dans le rapport de septembre 2020 du CGDD ou dans l’optique d’un nombre cible de passoires thermiques à maintenir ou encore d’un souhait de rééquilibrage des classes énergétiques en fonction des vecteurs énergétiques, d’une valeur comprise entre 260 et 330 kWhEF/m2.an. Cela conduira à une augmentation du nombre de passoires thermiques par rapport à l’estimation du CGDD, mais conduira à une répartition équilibrée entre les différentes énergies de chauffage.

  • De façon à rendre plus parlant l’étiquette, nous proposons que soient indiquées les plages relatives aux 3 grandes catégories de logements : Neuf / BBC rénovation / Passoire thermique (cf. exemple)

Nos demandes

En conclusion, nous demandons donc :

  1. Une analyse dissociée de l’impact du nouveau moteur de calcul et d’un PEF de l’électricité à 2.3 sur la répartition du parc existant dans les différentes catégories du DPE, et notamment sur les passoires thermiques
  2. Un recalage des classes de l’effet des 2 usages supplémentaires
  3. Le maintien de l’énergie primaire comme mode d’affichage du DPE
  4. La définition du seuil des passoires thermiques à 331 kWhEP/m2.an (avant application du point 2 précédent) et l’ajout d’un indicateur supplémentaire « garde-fou » en énergie finale, par exemple 260 kWhEF/m².an

Télécharger la contribution

  • Fiabilisation du DPE en vue de son opposabilité

    PDF 537,33 Ko