3 questions à Denis Ferrand, Directeur Général de Rexecode

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Observatoire des solutions | Débat d’idées | 3 questions à Denis Ferrand, Directeur Général de Rexecode

Rexecode est un institut d’études économiques privé et indépendant, pouvez-vous nous expliquer sur quoi portent vos travaux ?

Rexecode est un institut créé en 1957 avec deux objectifs initiaux : le premier est de comprendre l’environnement économique et les trajectoires de croissance. Nous établissons des trajectoires économiques à dix-huit mois, cinq ans, voire dix ans. Nous effectuons donc d’abord un travail de diagnostic et de prévision.

Notre deuxième objectif consiste à participer au débat économique. Notre clé de lecture énonce qu’il n’y a de croissance durable d’emploi que dans une économie en croissance et qu’il n’y a de croissance que dans une économie compétitive.

Lorsqu’on combine croissance et politique économique, on se rend compte qu’à l’intersection se trouve la transition énergétique. La trajectoire de croissance a spontanément une conséquence en termes d’émissions. Par des incitations et des mécanismes de politique économique, nous allons trouver des leviers pour agir sur les émissions de gaz à effet serre. C’est ce qui justifie la création d’un nouveau pôle au sein de Rexecode, le pôle énergie-climat, pour penser, avec notre regard d’économiste d’entreprise, la transition énergétique.

 

Justement sur le sujet de la transition énergétique, quelle est la position de Rexecode ?

À l’horizon 2030, il faudrait réduire les émissions au niveau mondial à 35 milliards de tonnes de CO2e, pour arriver en 2050 à zéro émission nette. L’objectif de la France, dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone, est aussi d’atteindre la neutralité carbone en 2050, avec un objectif intermédiaire en 2030 qui correspond à 310 millions de tonnes de CO2e, perspective devenue plus réaliste du fait de la crise sanitaire, des effets du plan de relance et de la loi climat. Rexecode soutient l’idée que la contribution française passe par la réduction de ses propres émissions (qui ne représente que moins de 1% des émissions mondiales) et plus encore par la création d’une offre technologique en mesure de faire chuter les émissions partout dans le monde. Ce choix technologique contribuerait en outre au renforcement de la compétitivité de l’Hexagone sur ces nouveaux marchés bas-carbone. Dans le mix énergétique à établir, toutes les énergies bas-carbone ont leur place et la France dispose d’atouts dans plusieurs domaines.

 

Qui, selon vous, a le pouvoir, les citoyens ou les entreprises, d’imposer la transition énergétique ?

Il ne s’agit pas d’imposer des choix. L’atteinte des objectifs que nous nous sommes fixés doit se faire en gardant toujours en tête des principes d’efficacité économique, c’est-à-dire en minimisant les coûts occasionnés et en maximisant les bénéfices potentiels. Les citoyens et les entreprises font tout le temps des choix, il ne s’agit pas de forcer certaines options mais de créer les conditions économiques qui orientent mécaniquement les décisions dans le bon sens. Par exemple, une taxe carbone aux frontières peut être un tel signal. J’ai discuté avec des sociétés d’ingénierie de type cimenterie, qui vont vendre des installations au Kazakhstan ou au Moyen-Orient. Leurs clients demandent le plus haut niveau environnemental d’infrastructures car ils savent qu’ils ne rentreront plus sur le marché européen dans quatre ou cinq ans s’ils n’ont pas la meilleure stratégie carbone. Je pense que ces effets signaux, qu’ils passent explicitement par des prix ou qu’ils soient plus implicites, ne sont pas intrusifs et délivrent une incitation aux agents. Les entreprises et les citoyens sont en capacité de trouver des solutions, et nous l’avons déjà en partie fait en réduisant de 40% nos propres émissions depuis leur plus haut niveau.