3 questions à Frédéric Martin, Président de France Gaz
Publié leÀ l’occasion du Point Rencontre des membres de Coénove, Frédéric MARTIN, président de France Gaz, était l’invité d’honneur. Il a rappelé l’importance d’une filière soudée et engagée en faveur des gaz verts, soulignant que toutes les solutions bas-carbone sont indispensables pour une transition énergétique performante, accessible et durable, avant de répondre aux questions de Coénove pour notre newsletter.
Dans le contexte actuel où les pouvoirs publics encouragent la décarbonation des usages dans le bâtiment, quelle est la place des gaz verts dans la transition énergétique ?
On ne le répète pas assez mais la sécurité du système énergétique français et européen dépend en grande partie du gaz.
Pour réussir notre transition énergétique sans remettre en cause cette sécurité, les principes d’efficacité énergétique et de neutralité technologique sont indispensables.
Ils sont clairement affichés au niveau européen et dans tous les scénarii français car c’est la garantie d’un mix énergétique optimisé, respectueux du pouvoir d’achat, de la compétitivité des entreprises et de la sécurité d’approvisionnement.
Pour notre secteur, la décarbonation se résume donc à une substitution progressive des molécules importées et fossiles par des molécules bas carbone produites dans nos territoires et à un accompagnement de nos clients en leurs proposant des solutions performantes.
Côté production, la filière gaz est pleinement engagée avec les acteurs territoriaux dans cette transformation afin de respecter l’objectif de neutralité carbone en 2050.
A fin 2025 nous sommes en ligne avec nos objectifs (16 TWh de gaz verts) et les pouvoirs publics nous demandent de multiplier le volume produit par 3 d’ici 2030 soit 50 TWh.
Sur les usages, nous alertons sur la tentation d’une décarbonation basée exclusivement sur une électrification forcée. Une telle démarche, décorrélée de nos citoyens et entreprises conduirait à une plus grande précarité et à un risque de décrochage de notre tissu industriel. Nous restons convaincus, comme nos clients, et surtout dans le contexte économique actuel, que notre rôle est de leur proposer des solutions de décarbonation et pas de leur en imposer.
C’est la raison pour laquelle, parallèlement au verdissement progressif du gaz importé par du gaz français, la filière en complément de la très populaire chaudière THPE, propose des solutions très faibles émissions comme la PAC hybride ou la chaudière CH0C pour les industriels.
Pouvez-vous nous éclairer sur le débat concernant les accises du gaz et de l’électricité et leurs impacts pour les ménages et les entreprises ?
Le Sénat a adopté un amendement réduisant modestement les accises sur l’électricité pour les ménages mais augmentant fortement celles sur le gaz pour tous les clients.
- Sous couvert de décarbonation, cette mesure si elle était définitivement adoptée, pénaliserait directement ménages, artisans et entreprises, sans bénéfice réel pour la transition :
Ménages modestes doublement touchés : 60 % du parc social est chauffé au gaz et près de 2/3 des logements raccordés ne sont pas électrifiables techniquement.
Artisans, TPE et PME industrielles en première ligne : déjà soumises à la fiscalité la plus élevée d’Europe, avec seulement 29 % de potentiel d’électrification, elles verraient leur facture augmenter de plus de 19 000 € pour 5 GWh/an.
Aujourd’hui, 85 % des Français jugent leurs factures trop lourdes et les impayés d’énergie ont augmenté de 20 % en 2024. Les ménages se tournent donc vers une sobriété contrainte, faute de pouvoir financer des rénovations souvent devenues trop coûteuses.
De leur côté, les entreprises, après avoir optimisé leurs usages, voient leurs marges s’éroder et leurs défaillances progresser.
En augmentant encore les accises sur le gaz, on creuse donc la précarité énergétique des ménages et on fragilise l’appareil productif.
Nous avons donc rappelé la nécessaire stabilisation des accises gaz et la pertinence d’accélérer la production de gaz renouvelables et bas carbone pour préserver le pouvoir d’achat, soutenir la compétitivité et accompagner efficacement la décarbonation.
La production de gaz verts se développe significativement en France : où en sommes-nous et quels leviers doivent encore être activés ?
La dynamique est très positive : en 2025, plus de 3,5 TWh/an supplémentaires ont été inscrits au registre, portant les capacités installées à près de 16 TWh.
La filière biométhane confirme son rôle moteur : 7 000 emplois créés en cinq ans, 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et 85 % de la valeur ajoutée générée directement dans les territoires, faisant de la France l’un des leaders européens.
- Pour accélérer, plusieurs leviers doivent encore être actionnés rapidement :
Publier les textes relatifs à la conversion des installations de méthanisation de la cogénération vers l’injection.
Donner de la visibilité de long terme, notamment via la trajectoire d’obligation CPB (certificats de production de biogaz) post-2028.
Simplifier et sécuriser les procédures pour réduire les délais de développement.Les gaz verts sont prêts à contribuer davantage à la souveraineté énergétique et à l’economie de la France : ils nécessitent désormais un cadre stable et incitatif pour libérer pleinement leur plein potentiel.

