3 questions à Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l’Isère, vice-présidente de la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire

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À l’occasion des ateliers du Conseil National de la Refondation du Logement auxquels Coénove participe, nous avons rencontré Madame la Députée qui nous a donné sa vision des enjeux énergétiques du bâtiment pour 2023.

Quels sont, selon vous, les sujets prioritaires de l’année 2023 dans le secteur du bâtiment ?


L’année 2023 s’annonce une nouvelle fois chargée pour le bâtiment. Il faudra suivre avec attention l’application de la la loi dite « Climat et Résilience » qui interdit notamment, depuis le 1er janvier 2023, la location des logements qui consomment plus de 450kWh d’énergie finale par mètre carré et par an. C’est la première étape d’une série de restrictions qui aboutira à une interdiction de louer les logements classés E en 2034 et qui doit nous emmener en 2050 à un parc « BBC en moyenne ».

C’est aussi l’année de préparation de la PPE3 (2024-2033) ou « Stratégie française énergie climat » qui devra donner des objectifs clairs en matière de réduction de notre consommation énergétique ; de développement des énergies renouvelables pour l’électricité, la chaleur, le carburant et le gaz ; de diversification du mix de production d’électricité ; et évidemment de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment. Dans les échanges actuels autour de la planification environnementale, ce sera un rendez-vous important.

Je n’oublie pas non plus les premiers bilans du plan de sobriété énergétique, dont j’attends aussi des exemples, des solutions et des innovations en matière de réduction de l’empreinte carbone des bâtiments du secteur privé mais aussi public, ni les travaux qui sont en cours en ce moment dans le cadre du Conseil National de la Refondation (CNR) sur le logement.

 

En tant qu’animatrice du thème sur la transition écologique du CNR Logement, pouvez-vous nous présenter les grands enjeux de ce CNR et ce que vous en attendez ?

Le CNR Logement travaille sur les trois grandes ambitions sociale, économique et environnementale du logement pour donner un logement à tous, partout, qui protège ses habitants. Il est donc décomposé en trois groupes thématiques dont l’enjeu environnemental est construire et rénovea des logements plus durables.

Je co-anime ce groupe de travail avec Christine Lecomte, Présidente du Conseil National de l’Ordre des Architectes. À ce stade, nous menons une réflexion avec une soixantaine d’acteurs concernés venant de tout horizons, sans compter les contributions spontanées. Ce travail se penche sur l’adaptation de nos territoires aux changements climatiques et démographiques, sur la construction et la rénovation durable, sur une offre artisanale complète, fiable et abordable dans tous les territoires, et sur le financement de la transition.

Ce CNR a deux temporalités :

  • faire émerger des solutions concrètes à court terme pour toute cette chaîne concernée par ces enjeux : les ménages modestes, les entreprises, les artisans, les élus locaux, les maîtres d’ouvrages, les banques…
  • et souligner les aspects du débat qui pourraient effectivement donner lieu à une « refondation » plus profonde du système.

 

Vous avez toujours suivi les travaux de Coénove avec intérêt, quelle est votre vision sur la complémentarité des énergies et la place des gaz renouvelables dans le bâtiment ?

La crise ukrainienne et la fermeture des robinets de gaz russes a accéléré une dynamique de sortie du gaz fossile qui était déjà dans les esprits. Elle a déclenché aussi une réorganisation des jeux de dépendances/indépendances énergétiques internationales.

En mer Noire, la Turquie a mis la main sur un gisement titanesque de 710 milliards de mètres cubes de gaz et se rêve donc en « super hub européen ». En Méditerranée, l’Italie tisse de nouvelles relations gazières avec l’Afrique du Nord pour elle-aussi, être une porte d’entrée en Europe du Sud. Dans ce contexte, la France essaie de conserver l’élan et de limiter au maximum le recours au gaz fossile…

J’observe avec satisfaction depuis quelques mois un soutien renouvelé au gaz renouvelable au regard du contexte inflationniste des prix de l’électricité mais aussi de cette situation géopolitique. La France est engagée dans un objectif clair : la neutralité carbone du bâtiment en 2050.

La réussite de cette ambition repose sur l’exploitation d’énergies propres, intelligemment mixées pour éviter la dépendance, et la définition d’outils dédiés comme la Stratégie Française Energie Climat doit nous y aider.

Le gaz renouvelable a toute sa place dans cet avenir énergétique décarboné. Quant au gaz fossile, il doit faire l’objet d’une diminution dès que possible, en sifflet, jusqu’à disparaître complètement. Mais on mesure tous que cette sortie du gaz fossile va prendre du temps.

Rappelons-nous que les bâtiments consomment quelques 700TWh d’énergie par an, et que (pour ordre de grandeur) la totalité du parc nucléaire a produit environ 279TWh en 2022, 360TWh en 2021… On mesure bien là que la seule électrification des usages, même intensive, ne permettra pas de résoudre l’équation dès demain !

Efficacité énergétique et sobriété resteront donc encore longtemps deux leviers très importants.

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