3 questions à Nicolas Prudhomme, Directeur de la Maîtrise d’Ouvrage et des Politiques Patrimoniales de l’Union Sociale de l’Habitat (USH)

Publié le
Observatoire des solutions | Débat d’idées | 3 questions à Nicolas Prudhomme, Directeur de la Maîtrise d’Ouvrage et des Politiques Patrimoniales de l’Union Sociale de l’Habitat (USH)

A l’occasion du 82ème congrès HLM de l’USH qui s’est tenu du 27 au 29 septembre, Nicolas Prudhomme, Directeur de la Maîtrise d’Ouvrage et des Politiques Patrimoniales de l’USH, a accepté de répondre à nos questions.

Quels sont les enjeux de l’USH pour les années à venir et quels ont été les moments forts de la 82ème édition du congrès ?

Il faut savoir que l’USH articule ses missions autour de 3 piliers indispensables :

  • L’axe sociétal, notre raison d’être,
  • L’axe économique, notre outil pour faire,
  • Et l’axe environnemental accentué par la situation actuelle et le calendrier parlementaire et réglementaire (Loi Energie Climat, RE2020, …)

D’années en années, les sujets environnementaux au sens large (rénovation, énergie, biodiversité, …) ont donc naturellement pris une place de plus en plus importante au sein du Congrès parce qu’ils ne représentent plus de simples contraintes et/ou injonctions réglementaires mais une véritable politique.

Dans les secteurs de la construction et du bâtiment, certains maitres d’ouvrage pourraient ainsi considérer par exemple à tort que la RE2020 est l’affaire des BET et des maitrises d’œuvre, alors que c’est un changement majeur dans la façon de concevoir un immeuble. Il ne s’agit plus d’une réglementation thermique, mais environnementale.

Nous avons donc consacré une plénière spécifiquement aux enjeux énergétiques avec un débat politique afin de poser le cadre et ne pas se restreindre aux enjeux techniques de la rénovation. Nous avons également multiplié les ateliers sur les sujets d’actualité tels que les coûts des énergies, les coûts de la rénovation…

 

La rénovation des logements est au cœur de vos préoccupations, quelle trajectoire visez-vous et quels sont les moyens que vous mettez en œuvre ?

Notre objectif est simple : atteindre la décence des logements à 2034, et les objectifs de la SNBC en 2050 !

Notre parc comprend actuellement 1 à 1.3 million de logements étiquetés E F et G (selon que l’on compte en ancien ou nouveau DPE, dont 300000 de F et G).

Notre rythme actuel de rénovation de 105 000 rénovations par an nous permettait d’atteindre la décence à 2034.

Le nouveau DPE nous impose un nouveau rythme bien plus ambitieux de 135 000 rénovations par an. Or 70% des logements rénovés E, F et G basculent en C et D et seulement 30% en A et B. Le stock de logements total de C et D sera donc passé à plus de 4 millions en 2034 et il faudra le transformer en A et B pour atteindre la SNBC à 2050. Les coûts estimés sont de l’ordre de 300 milliards d’euros soit 10 milliards par an !

En conséquence, le mouvement HLM se saisit de la complexité de cette équation à résoudre en proposant des dispositifs alternatifs comme « seconde vie ».

Annoncé officiellement au Congrès la semaine dernière, le principe est de transformer un bâtiment existant en révisant les postes principaux (habitabilité, typologie, réseaux électriques, plomberies et enveloppe énergétique) afin de garantir 50 ans d’espérance de vie supplémentaire.

Ce dispositif permet de maximiser les grands sauts d’étiquettes.

On évite ainsi la déconstruction/reconstruction et toutes les émissions de carbone induites, ainsi que la production de déchet à outrance ou le prélèvement de ressources supplémentaires sur l’environnement.

En contrepartie, l’USH demande aux Pouvoirs Publics de mettre en place des mêmes règles de financement pour la réhabilitation identique ou proche de celles en usage pour la construction neuve.

Ainsi, ce dispositif permettra à un Directeur d’organisme de logement social d’avoir un arbitrage éclairé entre les enjeux durables (sociétal, environnemental, économique) et pas simplement économiques qui orientent vers la déconstruction quasi systématiquement.

 

Votre conviction est que d’autres vecteurs que ceux de la rénovation du bâti seront incontournables pour réussir la transition énergétique ?

L’USH ne valide pas une approche qui consisterait à isoler le bâti du reste du fonctionnement pour essayer de décarboner la structure, et uniquement la structure. La construction ou la rénovation du bâti est une composante mais ce n’est pas la seule solution.

Il manque une vision globale dans les travaux actuels de la SFEC. Ma conviction, c’est qu’il faut « Réfléchir la ville pour qu’elle soit économe ou absorbante en carbone et productrice d’énergie ».

Si on veut réussir la transition énergétique, il faudra aussi miser sur l’innovation (la PAC collective pour de grands ensembles est fortement attendue par exemple), l’industrialisation des solutions comme l’isolation par l’intérieur sur des façades architecturales, la montée en puissance des entreprises de travaux pour leur permettre de traiter les volumes de rénovations qui les attendent.

Le vecteur énergie doit donc lui aussi être embarqué dans l’aventure du logement !

Ce qu’on imagine sur les méthodes constructives, il faut le penser aussi sur les vecteurs énergétiques avec :

  • la mixité des solutions,
  • l’intelligence des systèmes qui nous permettra de piloter ses systèmes avec efficiences, comme mieux chauffer selon la météo,
  • ou encore des innovations qui modifient le cadre d’emploi des consommations grâce à l’interconnexion des bâtiments à la maille d’un territoire.

Et c’est là que le biogaz, produit localement et injecté dans des infrastructures déjà existantes a toute sa place. Pourquoi tout miser sur la réduction des consommations alors que je dispose d’une énergie renouvelable décarbonée à proximité ?

Quand on met en perspective les 300 milliards de travaux de rénovation annuelle, quelques milliards pourraient servir à développer cette filière pleine d’avenir.

Une politique du changement, ce n’est pas forcément une rupture mais la maîtrise d’une transition, d’une trajectoire.

 

Vous pourriez être intéressé par :

  • Interview de Bernard Aulagne dans la série de l’été du Figaro sur l’histoire du chauffage

  • Idée reçue #4 - Le gaz est interdit dans les logements: FAUX !

  • Idée reçue #2 - La PAC électrique est le seul équipement pour décarboner le bâtiment: FAUX !