3 questions à Aurélien Barbé, Président de France Gaz Liquides
Publié leAurélien Barbé, nouveau Président de France Gaz Liquides, a accepté de répondre aux « 3 questions à » de Coénove ! Il y partage sa vision pour renforcer les liens entre la filière des gaz liquides et les acteurs du bâtiment. Il évoque les spécificités énergétiques des territoires ruraux et le potentiel du biopropane comme solution durable pour la décarbonation du parc existant.
Vous débutez votre mandat en tant que Président de France Gaz Liquides. Quelle dynamique souhaitez-vous porter entre la filière et les acteurs du bâtiment ?
Nous avons historiquement des liens étroits avec les acteurs et filières du bâtiment, de la FFB à la CAPEB en passant par les fabricants d’équipements de chauffage et les acteurs de la performance énergétique comme Coénove. Nos relations sont basées sur la confiance et le pragmatisme partagé face aux enjeux de transition énergétique : la sobriété est un maître mot, la rénovation une étape essentielle pour la performance, la pluralité du mix énergétique doit être considérée – autrement dit, faire le choix de la meilleure énergie adaptée à chaque bâtiment et territoire.
Nous avons besoin des acteurs du bâtiment pour consolider la progression des gaz verts et faire reconnaître officiellement les biogaz liquides et leurs avantages pour le chauffage. Les gaz liquides, bio ou non, ont toute leur place dans le mix énergétique, tout particulièrement en ruralité. Pour cela, il faut aussi que les innovations et les performances des chaudières de dernière génération soient reconnues. Rappelons-le ici : ne confondons pas l’équipement et le combustible qui y est utilisé ! Le biopropane peut être immédiatement utilisé dans les chaudières, graduellement en mélange et jusqu’à 100%, ce qui constitue un atout pour renforcer dès à présent une transition réaliste vers la neutralité carbone.
Les besoins de chauffage dans les territoires ruraux diffèrent souvent de ceux des zones urbaines. Quelles solutions concrètes peuvent répondre à ces spécificités ?
La ruralité fait face à un trilemme de l’énergie : comment concilier coût, décarbonation et sécurisation de l’approvisionnement ? L’électrification seule ne peut pas résoudre cette équation.
Tout d’abord, les réseaux de distribution électrique sont, sur une large partie des territoires ruraux largement sous-dimensionnés pour une électrification massive des usages en termes de chauffage. Selon les résultats d’une étude de l’Ecole des Mines Paris-PSL, menée en 2022 avec France Gaz Liquides, près de 10 000 communes rurales ne passeraient pas la pointe électrique si on installait des PAC en remplacement des chaudières au fioul ou au propane. C’est une question d’aménagement énergétique du territoire : pourrait-on trouver une viabilité économique des réseaux d’énergie sur des territoires où la densité de population est de 39 habitants par km2, contre 600 habitants par km2 en zone urbaine ? Serait-ce économiquement soutenable pour ses utilisateurs ? Les gaz liquides, énergie « portée » et stockée directement chez le client, remplissent en quelque sorte un « service d’intérêt rural » essentiel dans ces zones éloignées des réseaux d’énergie. Toute la question de la transition énergétique est de trouver le mix énergétique adapté et équilibré à chaque territoire.
Les besoins de chauffage des territoires ruraux sont également conditionnés par les caractéristiques particulières du bâti rural auxquelles les PAC ne sont pas adaptées. Celui-ci est majoritairement composé de maisons, anciennes (avant 1970 et les premières réglementations thermiques) voire très anciennes (avant 1918), d’une superficie importante (plus de 120m2) et très souvent mal isolées.
Pour démontrer tout le potentiel du biopropane sur ce type de bâti, l’association européenne des gaz liquides (Liquid Gas Europe) dispose d’un modèle grandeur nature, une maison de soins à Rotselaar, en Belgique, près de Bruxelles, dans laquelle plusieurs dispositifs de mesures ont été installés.
En passant du propane au biopropane en 2023, ce bâtiment réalise plus de 60 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre sans nécessiter d’investissements coûteux.
Dans cette perspective, comment le biopropane peut-il s’imposer comme une alternative durable pour la décarbonation du parc existant ?
Le biopropane, disponible depuis 2018, est une énergie adaptée à la ruralité mais qui n’est pas soutenue ni reconnue à ce jour. Il faut une reconnaissance du biopropane comme bioénergie dans les textes de programmation énergétique, PPE en tête.
La Base Empreinte de l’ADEME vient d’intégrer le nouveau facteur d’émission carbone du biopropane, calculé avec les intrants de 2023. Résultat : avec 43g CO2eq/kWh, le biopropane émet 90% de CO2 en moins que le fioul et 85% de CO2 en moins que le propane conventionnel. Son facteur d’émission est équivalent à celui du biométhane (42g CO2eq/kWh), biogaz qui est, lui, soutenu par les pouvoirs publics !
Nous sommes confiants car nos messages ont été entendus et les spécificités des territoires ruraux sont peu à peu mieux considérées. Ne reste qu’à transformer l’essai mais nous sommes proches !

