Contribution à la Revue de l’Energie : « La voie de la transition énergétique passe par le gaz »
Publié leA l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, retrouvez ci-dessous la contribuiton de Bernard Aulagne, président de l’association Coénove, dans la rubrique » point de vue » de la Revue de l’Energie de février 2015 (n°623)
Alors que le Sénat s’apprête à examiner le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (PLTECV), l’énergie gaz apparaît curieusement comme le grand absent des échanges. Comme a pu le constater le sénateur Jean-Claude LENOIR, président de la commission Affaires économiques, « le débat [parlementaire] est malgré tout focalisé sur l’électricité », marqué par les crispations entourant le recours au nucléaire. L’intention initiale du texte était pourtant de définir les grandes caractéristiques du mix énergétique de demain ; or ce dernier ne pourra se réaliser que par la complémentarité de toutes les énergies au service de l’intérêt général. Vert, durable, renouvelable, en constante évolution technologique, le gaz est au cœur de cette complémentarité de toutes les énergies souhaitée initialement par le gouvernement.
Le projet de loi transition énergétique (PLTECV) tel que voté par l’Assemblée nationale le 14 octobre 2014 dispose dans son article 1er l’objectif « de porter la part des énergies renouvelables à 23% de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32% de cette consommation en 2030 », tandis que le part du nucléaire dans la production d’électricité doit être réduite à l’horizon 2025 à 50%. Cet objectif ambitieux, salué de manière unanime par les organisations de promotion des énergies renouvelables (EnR) comme le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) et les think tanks écologiques, ne pourra cependant être atteint qu’avec le soutien de l’énergie gaz.
Le gaz est en effet une énergie puissante, disponible en continu sur l’ensemble du territoire, peu sensible aux aléas climatiques. Elle constitue donc le complément idéal pour compenser l’intermittence des énergies renouvelables électriques et assurer l’équilibre entre offre et demande d’électricité. Flexible et adaptable, elle se révèle idoine dans un scénario de forte pénétration des EnR électriques. L’énergie gaz est disponible en quantité abondante, ses ressources prouvées sont estimées à plus de 200 années de consommation et réparties à travers le monde. Elle s’appuie sur 200 000 kms d’infrastructures déjà existantes et financées, permettant d’assurer son acheminement jusqu’à l’utilisateur final, tout en étant capables d’intégrer des ressources renouvelables. Stockable et aisément transportable, elle est très adaptée aux usages intensifs et saisonniers : en amont de la chaîne, au niveau de la production d’électricité, elle permet de satisfaire les appels de puissance élevés et de compenser l’intermittence intrinsèque de la production des énergies renouvelables non stockables grâce au recours à des centrales à gaz à cycle combiné (CCGT). Seul le gaz, dans des conditions environnementales satisfaisantes, permet de participer à la sécurité d’approvisionnement en électricité.
Indispensable au développement des énergies renouvelables
Indispensable pour appuyer le développement des EnR de manière centralisée, le gaz l’est aussi dans leur mise en œuvre au plus près des utilisateurs ; il permet ainsi de proposer des solutions performantes, couplant gaz et énergie renouvelable. Après l’association gaz/solaire thermique, l’innovation, véritable cœur de la dynamique de la filière gaz, permet désormais de proposer la chaudière hybride, solution associant une chaudière à condensation et une pompe à chaleur de petite puissance. Le système inclut une régulation intelligente, qui permet d’obtenir à tout moment la meilleure performance de chacun des produits. Les chaudières micro-générations gaz et les piles à combustibles représentent aussi des solutions, qui permettront à court-moyen terme de répondre efficacement au phénomène des pointes électriques, d’une part grâce à la substitution de l’électricité pour le chauffage et, d’autre part, en proposant des solutions de production d’électricité décentralisée qui permettent de soulager le réseau durant les périodes de pointe.
Energie fossile « pas comme les autres », le gaz n’est donc en rien cette énergie du passé que certains dépeignent ; la filière gaz est composée d’acteurs résolument tournés vers l’avenir, investissant en recherche et développement pour répondre aux enjeux énergétiques et environnementaux d’aujourd’hui et de demain. Mais surtout, c’est l’énergie gaz elle-même qui connaît une véritable révolution : elle est en passe de devenir une énergie renouvelable et locale avec le développement de la méthanisation. Le biogaz, connu sous le terme de « gaz vert », provient de la fermentation de matières organiques animales ou végétales en l’absence d’oxygène. Une fois traité, il peut ensuite être facilement injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel : énergie renouvelable, produite et fabriquée localement, il contribuera donc, comme décrit précédemment, au développement des énergies renouvelables électriques en répondant aux situations d’intermittence ou de surproduction de celles-ci.
La filière de production de chaleur et d’électricité à partir de biométhane est par ailleurs en plein développement : six sites injectent d’ores et déjà dans le réseau et on compte déjà près de 400 projets sur le territoire français. De même, la filière biogaz s’inscrit parfaitement dans la logique de l’économie circulaire, source de valeurs pour les territoires, et répond directement aux exigences des Français de relocalisation de la production et de la consommation d’énergie. L’ADEME, sans son scénario 2030-2050, fait l’hypothèse de produire 70 TWh/an, soit 20% de la consommation totale de gaz proviendrait de la méthanisation en 2030, puis 57% en 2050. Il devient indispensable pour les pouvoirs publics de valoriser et d’encourager le développement de la filière, sous peine de se priver d’une énergie renouvelable novatrice et représentant de nombreux emplois « verts ».
Indispensable pour pallier la variabilité des EnR électriques et apporter les compléments nécessaires, l’énergie gaz sera également un complément essentiel dans les situations de surproduction des énergies renouvelables grâce au principe du « Power-to-Gas » (PtG). Ce dernier repose sur le stockage de la surproduction des énergies renouvelables grâce à leur transformation en hydrogène ou en méthane de synthèse. Il permet ainsi d’apporter une flexibilité au système énergétique et de maximiser la part d’énergies renouvelables intégrées dans la consommation d’énergie française.
Une forte contribution à la croissance verte
La filière gaz est d’ores et déjà une industrie intensive en termes d’emplois, avec à son actif environ 165 000 emplois, soit 1/3 des emplois du secteur de l’énergie, alors qu’elle ne représente qu’une part de 15% dans le mix énergétique actuel.
A terme, la filière sera de manière certaine un fort contributeur à la croissance verte, recelant de gisements d’emplois locaux importants tant dans la rénovation du bâtiment que dans le développement du biogaz, avec par exemple la volonté affirmée du Gouvernement de créer 1500 méthaniseurs en trois ans. La filière biogaz emploie directement 1700 personnes et sa structuration permettrait la création de 16 000 emplois permanents d’ici 2020 sur le territoire français. A l’avenir, jusqu’à 90 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects pourraient être créés d’ici 2050 dans un scénario de développement de 220 TWh de biométhane issu de la fermentation des déchets et de la gazéification de la biomasse.
Nous sommes donc bien loin des idées reçues sur l’énergie gaz. La complémentarité des énergies constitue le chemin incontournable pour atteindre de manière pragmatique et réaliste les objectifs ambitieux que la France s’est fixés dans la transition énergétique et la place du gaz dans le bouquet énergétique du futur mérite d’être rapidement réhabilitée.