Quelles pistes pour la rénovation énergétique des bâtiments éducatifs ?
Publié leContribution de Coenove à la réflexion
Le plan Bâtiment Durable et la Caisse des Dépôts ont souhaité lancer un groupe de travail sur la rénovation des bâtiments éducatifs.
Coénove, association promouvant la complémentarité des énergies dans le bâtiment, salue cette démarche qui contribue au mouvement global de massification attendue de la rénovation énergétique dans le cadre des objectifs ambitieux de baisse des consommations et des émissions mentionnées dans la LTECV.
Avant de réfléchir à des propositions, il est utile de rappeler quelques points clés autour de ces bâtiments dont la singularité d’usage doit être prise en compte :
- Les bâtiments éducatifs, suivant leur niveau d’enseignement, sont sous la responsabilité d’acteurs différents : la commune pour les écoles élémentaires, le département pour les collèges, la région pour les lycées, l’Etat pour les Universités, avec le risque d’engendrer, sur un même territoire communal d’implantation des établissements, des politiques différenciées non concertées.
- Dans ces établissements, il existe une franche séparation des rôles entre investisseurs et utilisateurs, budgets d’investissement et budgets de fonctionnement. Le parallèle pourrait être fait avec les propriétaires bailleurs du logement privé qui ont la main sur les investissements quand il est attendu que les occupants fassent une gestion rationnelle des lieux. Une synergie et des moyens de communication doivent être mis en place entre ces deux niveaux d’intervention ; chacun contribuant à la réussite du projet.
- L’occupation de ces bâtiments est intermittente (occupation uniquement en journée, fréquentation sur 4 à 5 jours par semaine, période de vacances récurrente…) mais régulière et prévisible.
- La demande énergétique se fait avant tout sur le chauffage et les usages spécifiques de l’électricité. Les établissements n’étant pas occupés pendant les périodes estivales, les besoins de rafraichissement sont réduits même s’ils restent nécessaires. De plus,, le besoin d’eau chaude sanitaire est très faible proportionnellement aux autres usages.
- L’usage scolaire des bâtiments fait qu’il n’est que très difficilement envisageable d’opérer des travaux de rénovation conséquents hors site occupé. Cela complexifie d’autant les projets qui ne doivent pas perturber la vie de l’établissement et des enseignements qui y sont dispensés. Si les périodes de congés scolaires sont relativement fréquentes, elles restent courtes au regard des travaux de rénovation à engager.
- Les remontées sur les inconforts et les besoins nécessaires en termes de travaux peuvent parfois rester faibles et concentrés sur le corps enseignant finalement peu nombreux représentativement par rapport à la très grande majorité des usagers que sont les élèves. L’administration pourrait être plus encline à lancer des travaux sur un bâtiment administratif où l’ensemble des salariés (adultes) font remonter des besoins.
Face à ces constats, Coénove pense judicieux d’articuler la réflexion autour de deux axes majeurs :
- Un axe technique autour de la rénovation du bâti et de ses systèmes
- Un axe dynamique autour du projet éducatif du bâtiment et de la sensibilisation des élèves
Axe technique autour de la rénovation du bâti et de ses systèmes
- Procéder à un audit des bâtiments pour juger d’une part du potentiel de gain mais également prioriser les actions au sein des bâtiments ou encore au sein de l’ensemble du patrimoine de la collectivité. Une fois cette vision claire du patrimoine établi et idéalement des comparaisons effectuées entre les bâtiments d’usage et de typologie similaire, il sera plus facile d’emporter la décision publique. Le travail doit commencer par une prise de conscience et pour cela il faut des données chiffrées.
- Comme pour toute rénovation de bâtiment sur notre territoire, il convient de se mettre dans la trajectoire du BBC réno attendue par la Loi pour tout le parc en 2050. S’il n’est pas possible d’envisager une rénovation permettant d’atteindre en une seule fois le niveau BBC, pour des questions de coûts notamment ou encore de temps de réalisation, il faut impérativement que les travaux mis en œuvre soient BBC compatibles et que le projet dispose d’un parcours phasé de rénovation sans qu’il y ait à revenir sur des travaux effectués quelques années auparavant.
- Les périodes d’inoccupation la nuit, les week-end et pendant les congés scolaires doivent faire l’objet d’une régulation via la programmation des intermittences. Les systèmes auto-apprenants (détection des présences, de l’ouverture des fenêtres…) doivent également être privilégiés pour permettre à la fois de rationaliser les consommations de chauffage mais également d’assurer une température de confort au retour des élèves, que le pas de temps soit journalier, hebdomadaire ou mensuel.
- La rationalisation des intermittences permettant de réduire fortement les moyens de chauffage lors des inoccupations entraine la mise en œuvre de moyens de chauffage puissants et réactifs. Si une très grande majorité des équipements sont à ce jour à même de répondre à cette demande, la dimension économique vise à privilégier des systèmes utilisant la boucle à eau chaude alimentée par des technologies performantes comme les chaudières gaz haute performance, possiblement couplées avec des EnR, ou encore les pompes à chaleur gaz. Le recours à une micro ou mini cogénération peut également être très pertinent suivant le projet et permettre de produire également de l’électricité sur le site.
- Concernant les financements, il serait intéressant de voir avec l’Ademe dans quelle mesure il est possible de lancer un appel à projet AAP sur ce sujet spécifique des établissements scolaires, le caractère innovant et participatif de la démarche étant bien entendu mis au cœur des attendus, de même qu’une labélisation de type Effinergie.
Axe dynamique autour du projet éducatif du bâtiment et de la sensibilisation des élèves
- La démarche de rénovation d’un établissement scolaire doit intégrer l’ensemble des dimensions du bâtiment et de ses usages. Il convient donc, si cela n’a pas été déjà fait, de faire rentrer le bâtiment dans une dimension environnementale plus large, en mettant en place le tri sélectif au sein de l’établissement (classe, cour de récréation, collecte des piles et des ampoules…), en allant vers une gestion raisonnée de l’eau en généralisant les mousseurs et double chasse dans les sanitaires, en recherchant des circuits courts d’approvisionnement de la cantine scolaire, en organisant des ateliers de sensibilisation à l’environnement ou encore en proposant ce thème aux élèves comme exposé…Il faut que le projet de rénovation du bâtiment soit inclus dans le projet éducatif de l’établissement et donc penser en amont avec le corps enseignant et les acteurs publics partie prenante.
- Des travaux sur le bâti et le système de chauffage dans une recherche d’efficacité énergétique doivent impérativement s’accompagner d’une dimension de sobriété des usages, d’autant plus dans un établissement scolaire où la vertu première est l’apprentissage des fondamentaux de la vie d’adulte. Il serait ainsi pertinent de rendre visible les consommations du bâtiment auprès des scolaires et du corps enseignants en affichant les données énergétiques et en les comparant à pas de temps défini.
- Cette question de la visibilité pourrait être portée plus loin en pensant, dès lors que la viabilité technico-économique est démontrée, à l’intégration de sources de production d’énergie renouvelable dans les bâtiments comme par exemple l’énergie solaire via des panneaux installés sur le toit, qui se couplent remarquablement bien avec les chaudières gaz, équipements dont le recours est fréquent dans les établissements scolaires.
Il faut ainsi penser le bâtiment scolaire non uniquement comme un consommateur d’énergie mais également comme un producteur d’énergie à son échelle, pouvant au regard de la nouvelle réglementation en vigueur, autoconsommer l’énergie produite. L’affichage de la quantité d’énergie produite par le bâtiment nous semble également être une démarche de sensibilisation des élèves intéressante, au-delà des gains économiques apportés par ailleurs.
- La dimension du confort, notamment pour une meilleure qualité d’apprentissage doit pleinement être mise en avant auprès du corps enseignant mais également des parents d’élèves qui pourraient voir avant tout dans ces projets de travaux une nuisance et non une opportunité de long terme. Le confort thermique sera certes amélioré mais la dimension acoustique ainsi que la ventilation (renouvellement d’air nécessaire à la lutte contre les infections mais également contre les maux de tête) et donc l’aspect sanitaire doivent être pleinement mis en avant.
En conclusion, s’il convient d’envisager les projets de rénovation des établissements scolaires dans un contexte global intégrant tant le bâtiment que ses usagers, il est également intéressant de voir dans quelle mesure il est possible de s’intégrer dans une logique encore plus large de territoire.
En effet, le développement attendu de très nombreux sites de méthanisation injectant du biométhane dans les années à venir (d’ores et déjà 297 projets sont enregistrés dans la file d’attente de raccordement) fait qu’il est possible d’envisager une alimentation locale, durable et renouvelable des établissements scolaires situés à proximité de ces sites de production. Mais au-delà de la simple utilisation de cette EnR, l’établissement peut s’inscrire dans ce projet de territoire. La collecte des déchets de cantine est en effet une obligation et ces biodéchets peuvent utilement contribuer à alimenter les unités de méthanisation à proximité, faisant ainsi rentrer l’établissement scolaire dans la boucle vertueuse de l’économie circulaire.