“Défendre le meilleur optimum énergétique” | Interview de Jean-Charles Colas-Roy dans Génie Climatique Magazine

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Notre Président Jean-Charles Colas-Roy a répondu aux questions de Pierre Pichère, pour le podcast Direction de Génie Climatique Magazine ! Extraits ci-dessous.

Que représente Coénove ?

Coenove est une fédération d’industriels de l’énergie dans le bâtiment. Elle regroupe de grands acteurs industriels français et européens qui proposent des solutions de chauffage : pompes à chaleur, chaudières, solutions hybrides pour le secteur du bâtiment. Ces industriels se sont associés aux installateurs et mainteneurs, notamment la Fédération française du bâtiment, la Capeb, le Synasav pour le service après-vente.

Nous comptons également parmi nos membres des utilisateurs comme les bailleurs sociaux représentés par l’Union sociale pour l’habitat, ainsi que les acteurs du verdissement du gaz : les réseaux comme GRDF, France gaz renouvelable, France hydrogène.

L’ensemble de ces acteurs portent une vision forte pour le bâtiment : le meilleur optimum passe par la complémentarité des vecteurs énergétiques. Nous ne pourrons pas tout électrifier, nous ne pouvons pas dépendre d’un seul vecteur. La priorité reste la baisse des consommations à travers la sobriété, l’efficacité énergétique des appareils et la rénovation des bâtiments. Parallèlement, il faut verdir les vecteurs énergétiques utilisés dans le secteur des bâtiments.

Nous avons la chance en France de disposer déjà d’électrons décarbonés ou bas carbone grâce au nucléaire, à l’hydroélectricité et aux énergies renouvelables intermittentes. Nous pouvons également verdir l’ensemble du vecteur gaz, ce qui représente une chance pour notre pays. Le secteur gaz connaît par ailleurs de nombreuses innovations : la chaudière très haute performance énergétique permet 30 % d’économie d’énergie, et les solutions hybrides, qui allient pompes à chaleur et chaudières, génèrent également d’importantes économies tout en combinant les atouts des différents vecteurs.

Comment vivez-vous la crispation des débats autour de l’électricité, alors qu’on ne parle jamais de la chaleur ?

J’ai toujours travaillé dans la transition énergétique, que ce soit lors de la création d’entreprises au début de ma carrière, en tant que responsable politique – j’ai même été administrateur de l’Ademe pendant cinq ans – et maintenant à la tête d’une fédération.

Ce que je déplore, c’est que lorsqu’on parle d’énergie en France, on parle uniquement d’électricité, voire de nucléaire. Or, on ne traite ainsi que 25 à 30 % du sujet. Sur les 1 600 TWh de consommation d’énergie finale en France, l’électricité représente 400 TWh, soit 25 % de la problématique. En se concentrant uniquement sur ce point, on oublie tous les sujets liés aux carburants et au gaz, qui représentent également 400 TWh, soit un autre quart de la consommation.

Se focaliser sur le nucléaire, qui polarise les débats entre partisans et opposants, ou sur l’éolien, fait oublier les grandes problématiques, notamment celle de la chaleur. Comme nous ne pourrons pas tout électrifier dans notre pays, il est essentiel de regarder ce qui se passe sur les autres vecteurs énergétiques. D’autant plus que sur le gaz, il y a de nombreuses innovations : le verdissement avec des technologies de production en France, mais aussi des équipements améliorés avec des chaudières performantes et des solutions hybrides.

Depuis que je préside cette fédération, je le constate encore davantage : sur le terrain, les acteurs nous disent qu’on ne pourra pas tout électrifier.

Vous plaidez donc pour un mix énergétique au niveau national comme au niveau du bâtiment. La chaudière a donc encore une place ?

Oui, elle a même beaucoup d’avenir. La chaudière équipe 11 millions de clients sur 31 millions de résidences principales. 40 % des ménages se chauffent au gaz. C’est très important car cette chaudière assure le chauffage mais aussi, souvent, l’eau chaude sanitaire, apportant du confort à nos concitoyens.

Pour sortir progressivement des énergies fossiles, cette chaudière est 100 % compatible avec les molécules de gaz qui se verdissent. Le gaz vert produit à partir de méthaniseurs en France est la même molécule qui vient remplacer les énergies fossiles. Il n’y a pas besoin de changer les appareils, et le gaz passe par le réseau de transport et de distribution du pays.

Les clients qui souhaitent se décarboner peuvent souscrire un contrat de gaz vert – une dizaine de fournisseurs en proposent aujourd’hui. Ils peuvent également améliorer leurs équipements en passant d’une ancienne chaudière à des chaudières récentes très haute performance énergétique, à condensation ou hybrides, et réaliser ainsi de 30 à 70 % d’économie d’énergie. La chaudière a de l’avenir en France car 50 % du parc est encore constitué d’anciennes chaudières. Nous pouvons donc améliorer la performance énergétique du parc tout en le décarbonant sur un seul vecteur énergétique.

La chaudière joue-t-elle aussi un rôle dans l’équilibre du réseau électrique ?

C’est effectivement l’un des enjeux du développement du gaz dans le bâtiment. Le bâtiment est l’un des secteurs les plus thermosensibles : on consomme beaucoup plus en hiver qu’en été en raison du chauffage. Cela génère des appels de puissance et des pointes énergétiques hivernales. Nous ne pourrons pas tout électrifier car nous ne pourrons pas développer la totalité des productions d’énergie électrique uniquement pour faire face à ces appels de puissance hivernaux.

Disposer d’une énergie stockable comme le gaz, qui se stocke tout au long de l’année et peut être utilisé lors des appels de puissance, est très important. La pompe à chaleur est un excellent produit mais ne peut pas s’installer partout. Il faut donc conserver un panel de solutions diversifiées et faire confiance aux installateurs et mainteneurs, qui sont les tiers de confiance chargés d’installer la meilleure solution pour leurs clients.

Le gaz vert est-il mieux considéré ?

Oui, les choses évoluent et c’est de plus en plus pris en compte pour plusieurs raisons. Ce gaz vert est produit localement grâce au recyclage des déchets agricoles et agroalimentaires. Nous sommes au cœur de l’économie circulaire et nous aidons les agriculteurs avec des revenus complémentaires liés à la valorisation de leurs déchets. L’idée n’est surtout pas de les détourner de leur vocation première qui est nourricière, mais de leur apporter des revenus complémentaires.

Ces méthaniseurs – plus de 800 aujourd’hui en France – produisent du biogaz ou biométhane qui peut être injecté dans les réseaux, mais aussi des digestats dont l’épandage sur les champs évite l’achat d’engrais chimiques importés.

Ce sont les externalités positives de la production de biogaz : création d’emplois sur les territoires, revenus complémentaires pour les agriculteurs et les collectivités. 85 % de la valeur ajoutée d’une installation de méthanisation revient au territoire. Le biogaz et le biométhane font partie des énergies renouvelables emblématiques de la souveraineté énergétique. Nous améliorons également la balance commerciale en évitant de consommer des énergies fossiles.

Les pouvoirs publics le soutiennent aujourd’hui. Dans la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie, il y avait un objectif ambitieux que la filière a atteint : 15 TWh de biogaz aujourd’hui, soit 5 % de la consommation. Dans la future PPE, l’objectif est de 20 % de biogaz en 2030, soit une multiplication par quatre de la production actuelle. Ce sont des objectifs très ambitieux que l’État soutient car ils renforcent l’indépendance énergétique de notre pays.

Localement, les collectivités soutiennent-elles ces projets ?

Bien sûr. Elles sont fières d’accueillir des installations pour montrer que la transition est concrète. Quand on explique aux citoyens que leurs déchets alimentent le méthaniseur local produisant du biogaz pour les entreprises, le bailleur social, la piscine ou la cantine, nous donnons du sens à la transition. De plus en plus de maires sont partenaires. On voit des panneaux « villes engagées gaz verts ». Il y a une fierté à participer de cette évolution plutôt que de continuer à utiliser des énergies fossiles puisées au Moyen-Orient ou en Norvège.