Les gaz renouvelables sont un « prérequis » indispensable pour réussir la décarbonation du bâtiment »

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Le président de Coénove Jean-Charles Colas-Roy, qui rassemble les acteurs du bâtiment de l’industrie et de l’énergie, revient pour Gaz d’aujourd’hui sur une année 2023 « charnière » pour la reconnaissance du gaz dans le bâtiment, sur les enjeux de l’année 2024 avec la publication de plusieurs textes structurant pour la trajectoire énergétique de la France (SFEC, PPE, SNBC) et sur l’importance de fixer une ambition pour les gaz renouvelables à la hauteur du potentiel de décarbonation qu’ils représentent, notamment pour le bâtiment qui comptabilise aujourd’hui plus de 40 % des consommations d’énergie en France et 18 % des émissions directes de gaz à effet de serre.

Propos recueillis par Laura Icart
Publié le 16/02/2024 Temps de lecture : 7 min

L’année dernière, vous appeliez le gouvernement à souligner l’importance « ne pas se tromper de combat » sur la chaudière gaz, estimant que « ce n’est pas l’appareil qu’il faut bannir mais le gaz qu’il faut verdir ! »

L’année 2023 a été particulièrement importante pour la filière gazière et pour la place du gaz dans le bâtiment. Le projet d’interdiction des chaudières à gaz a créé de nombreuses inquiétudes bien au-delà des acteurs de la filières [les artisans, les associations de consommateurs, les bailleurs sociaux, NDLR] et chez les Français qui, très légitimement, ont exprimé une crainte pour leur pouvoir d’achat. Coénove s’est particulièrement mobilisée sur cette question qui aurait eu des répercussion très importantes sur les finances publiques mais aussi sur notre sécurité d’approvisionnement, alors que l’électrification importante des usages prévue par le gouvernement nous impose d’être particulièrement prudents dans un secteur fortement thermosensible sur la gestion de la pointe en période hivernale et que nous aurons encore plus besoin de flexibilité dans les années à venir. Il y a bien des solutions qui existent et le tout électrique n’est pas la seule réponse à proposer aux Français.

Cette interdiction aurait été d’autant plus incompréhensible que la production de biométhane se développe dans notre pays, soutenu par les pouvoir publics, et que nous serons en mesure d’ici 2030 de fournir l’équivalent de 20 % de la consommation française.

La production de gaz renouvelables continuent de progresser en France. Une dynamique à amplifier ?

La production de gaz renouvelables répond à cette logique de souveraineté nationale et locale régulièrement mise en avant par le gouvernement. Une logique de circuit court au plus proche des consommateurs finaux qu’il faut accroître et soutenir pour répondre aux enjeux de la décarbonation, celle des usages gaz mais aussi celle de la production de chaleur dans les bâtiments. Plusieurs études ont montré que la France dispose d’un important potentiel mobilisable pour la production de gaz renouvelables, de l’ordre de 320 TWh à l’horizon 2050, alors même que notre consommation de gaz est appelée à considérable baisser à cette même échéance [240 TWh, NDLR]. Soutenir la massification de la production de gaz renouvelables, c’est soutenir une énergie locale et vertueuse produite au cœur des territoires, principalement par le monde agricole.

C’est un atout majeur pour notre pays. Nous avons besoin d’un mix énergétique diversifié et de la flexibilité qu’apportent les gaz renouvelables. La réduction des consommations et le verdissement des usages du gaz seront un « prérequis » indispensable pour réussir la décarbonation du bâtiment dans le cadre de la planification écologique.

Justement, vous avez lancé plusieurs initiatives pour faire connaître et développer l’usage des gaz renouvelables dans le bâtiment, notamment la mention « gaz vert » ?

Oui, nous avons travaillé de concert avec plusieurs acteurs de la filière et notamment les professionnels de l’efficacité énergétique pour rendre davantage visible la place des gaz renouvelables dans le bâtiment.

De nombreux professionnels, des fabricants mais aussi des associations ou des structures mandataires comme la Capeb, GRDF, la FFB ou encore le Synasav se sont engagées dans la démarche « mention gaz vert » lancée il y a 18 mois pour rendre plus concrète cette solution auprès des Français avec des informations pédagogiques sur la méthanisation ou, par exemple, sur les lieux de production de biométhane proches de chez eux. Soit donner plus d’informations « grand public » et de la visibilité aux professionnels qui s’engagent pour proposer ces solutions. Je rappelle que l’utilisation d’une chaudière à très haute performance énergétique (THPE) combinée avec du biométhane est une solution vertueuse et économique à proposer aux Français.

En janvier, le gouvernement a annoncé le retrait du volet programmatique du projet de loi de souveraineté énergétique. Quelle est votre réaction ?

Nous partageons les inquiétudes exprimées par de nombreux acteurs sur la place des énergies renouvelables et l’omniprésence du nucléaire dans le projet de loi. Le retrait du volet programmatique qui prive le Parlement d’un débat démocratique sur les grandes trajectoires énergétiques, a contrario de ce qui avait été pourtant acté dans la loi climat et résilience [votée en 2019, NDLR] n’est pas à la hauteur des ambitions que nous devons porter et des grands objectifs que nous devons inscrire dans la loi.

Quels sont les grands chantiers de l’année 2024 et quelles sont les mesures à prioriser selon vous ?

Nous continuerons à soutenir la complémentarité des énergies et la nécessaire pluralité des solutions à proposer aux Français, notamment la chaudière THPE mais aussi l’hybridation des systèmes. Dans cette logique, nous souhaitons que les objectifs de production de gaz renouvelables soient plus ambitieux que ceux actuellement définis dans la stratégie française sur l’énergie et le climat [50 TWh en 2030, NDLR] et visent 70 TWh en 2030. Pour y parvenir, l’ensemble des filières de production de gaz renouvelables devront être davantage considérées et soutenues.

Dans cette même logique, nous espérons qu’une vraie différentiation sera faite par le gouvernement entre le gaz fossile et le biogaz via un abaissement de la TVA sur l’achat de contrat de fourniture de biogaz à plus de 50 %. Nous travaillerons également à la reconnaissance de l’hybridation des systèmes, et notamment à la valorisation des services qu’elle rend au système énergétique et nous serons particulièrement mobilisés pour la reconnaissance du biométhane dans le bâtiment, en particulier dans le diagnostic performance énergétique (DPE).

Justement, vous évoquez le DPE : le gouvernement vient d’annoncer une modification du DPE mais aussi une réflexion autour du coefficient de conversion énergétique. Qu’en pensez-vous ?

S’il m’apparaît normal qu’il puisse y avoir des évolutions dans la méthodologie de calcul du DPE, notamment pour les petites surfaces, en corrigeant des biais de calcul, nous sommes en revanche opposés à une évolution du coefficient de conversion entre énergie primaire et énergie finale qui aurait comme principale cause de sortir des milliers de logements du statut de passoires énergétiques sans pour autant traiter le problème de fond : la rénovation performante des logements.

Soyons vigilants à ne pas favoriser indûment l’ »effet Joule », qui n’a rien de performant et qui laisserait des ménages précaires dans les passoires thermiques aux factures énergétiques les plus lourdes. Les modifications sur le DPE ne peuvent être faites à la va-vite et sans concertation avec les acteurs et elles doivent répondre à une logique d’efficacité énergétique, sans effet d’aubaine politique.

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