Rénovons d’abord les bâtiments avant de changer les chauffages !

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Alors que le gouvernement consulte en vue d’une possible interdiction de l’installation de chaudières à gaz à partir de 2026, le président de l’association Coénove, Jean-Charles Colas-Roy,
défend des scénarios alternatifs ainsi que la complémentarité du gaz pour passer la pointe électrique hivernale, dans une interview à AEF info. L’ancien député LREM soutient également un scénario ambitieux de verdissement du gaz. Dans un contexte de tensions sur le gisement de biomasse, il appelle à débattre des usages potentiels et craint que les choix politiques ne se fassent en faveur des carburants aériens.

AEF info : Le gouvernement a lancé officiellement la concertation sur la décarbonation des bâtiments et du chauffage ce lundi. Quels messages avez-vous portés ?

Jean-Charles Colas-Roy : Nous regrettons le calendrier de la concertation : elle est lancée après l’annonce par la Première ministre devant le Conseil national de la transition écologique de son souhait d’éliminer les chaudières à gaz, et avant la publication des scénarios de RTE sur l’électrification des usages à l’horizon 2035. Dans ce contexte d’électrification massive, nous portons le message de l’importance de la complémentarité des énergies, afin notamment de pouvoir passer la pointe électrique hivernale. Cependant, malgré les nombreuses alertes des acteurs du secteur, de la Capeb ou encore de la FFB par exemple, nous avons le sentiment de recevoir peu d’écoute. Le gouvernement ne donne pas beaucoup de place aux solutions alternatives à l’interdiction des chaudières.

AEF info : Quelles solutions alternatives prônez-vous ?

Jean-Charles Colas-Roy : Les fabricants et les installateurs de chaudières, les fournisseurs et les producteurs de gaz proposent des scénarios alternatifs, dont celui de passer la moitié du parc en chaudière à très haute performance énergétique (THPE), ce qui permet d’améliorer la performance.  À cela, nous ajoutons l’installation de pompes à chaleur hybrides et nous projetons un verdissement du gaz de l’ordre de 20 % en 2030 et de 100 % à l’horizon 2050. En y ajoutant des efforts d’efficacité énergétique et de sobriété, cette stratégie nous permet de tenir les scénarios du gouvernement et d’éviter des conséquences sociales et politiques lourdes.

AEF info : Quelles sont les conséquences d’une interdiction des chaudières à gaz, selon vous ?

Jean-Charles Colas-Roy : Une chaudière coûte entre 4 000 et 5 000 euros aujourd’hui, contre 15 000 à 20 000 euros pour une pompe à chaleur. Il s’agit d’un coût multiplié par trois ou quatre, qui sera supporté soit par les ménages, à un moment où le gouvernement leur demande aussi de changer de voiture, soit par les finances publiques. Politiquement, l’interdiction est difficilement compréhensible puisqu’elle revient à favoriser le marché des pompes à chaleur dominé par les fabricants asiatiques à 60 %, tandis que les chaudières sont fabriquées en France. C’est une perte de savoir faire et de souveraineté industrielle. Sans compter les risques de tension sur le système électrique en hiver alors que le secteur du bâtiment est le plus thermosensible en France.

AEF info : Le gouvernement ne semble pas croire au verdissement du gaz tel que vous le portez.
Comment expliquez-vous l’écart entre vos projections respectives ?

Jean-Charles Colas-Roy : Nous nous appuyons sur les scénarios de l’Ademe et d’Inrae. Nous aimerions comprendre sur quel scénario s’appuie le gouvernement pour justifier sa trajectoire très basse de production de biométhane. S’il s’agit d’un choix politique, alors il faut l’expliciter. S’il s’agit de réserver la biomasse à la fabrication de carburants aériens, il faut le dire. Je pose la question : est-ce politiquement acceptable d’empêcher une filière mature, qui permet de valoriser les déchets, de se développer, afin de réserver le gisement de biomasse pour une technologie non mature, dans le but de faire voler des avions aux quatre coins du monde ?

AEF info : L’Union européenne elle-même lance une consultation sur l’interdiction des chaudières à gaz à l’horizon 2029. Le mouvement ne vous semble-t-il pas inéluctable ?

Jean-Charles Colas-Roy : Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut sortir du gaz fossile. Mais il ne faut pas confondre l’appareil et le combustible. Nous proposons de faire les choses dans le bon ordre : d’abord rénover les bâtiments avant de changer les chauffages. Consacrons l’argent public à des rénovations énergétiques globales et ensuite, dimensionnons correctement les chauffages.

AEF info : Engie a présenté ses scénarios de transition énergétique pour l’UE et la France qui misent sur un très fort développement des PAC hybrides, pour passer d’environ 5 000 appareils installés aujourd’hui par an à 1,5 million environ en 2030. Soutenez-vous ce scénario ?

Jean-Charles Colas-Roy : Il s’agit d’un scénario très ambitieux. Le rythme de déploiement dépendra surtout de l’accompagnement des pouvoirs publics. En Italie, des aides massives ont été fléchées vers les PAC hybrides. Aux Pays-Bas, c’est la réglementation qui impose l’hybridation, par prudence face à la gestion de l’équilibre du réseau électrique.

AEF info : Quels sont les freins au déploiement de ces PAC hybrides en France ?

Jean-Charles Colas-Roy : Il n’y a pas d’aides spécifiques aujourd’hui pour des PAC hybrides. Sans
aides, les professionnels peuvent avoir du mal à convaincre des particuliers de faire ce choix. Il
faudrait aussi davantage former et accompagner les professionnels sur ce type d’appareils.

Télécharger l'interview de Coénove, AEF juin 2023

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